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FEMME.

incapables de gouverner, puisqu’on leur a presque toujours accordé la régence.

On prétend que le cardinal Mazarin avouait que plusieurs femmes étaient dignes de régir un royaume, et qu’il ajoutait qu’il était toujours à craindre qu’elles ne se laissassent subjuguer par des amants incapables de gouverner douze poules. Cependant Isabelle en Castille, Élisabeth en Angleterre, Marie-Thérèse en Hongrie, ont bien démenti ce prétendu bon mot attribué au cardinal Mazarin. Et aujourd’hui nous voyons dans le Nord une législatrice[1] aussi respectée que le souverain de la Grèce, de l’Asie Mineure, de la Syrie et de l’Égypte est peu estimé.

L’ignorance a prétendu longtemps que les femmes sont esclaves pendant leur vie chez les mahométans, et qu’après leur mort elles n’entrent point dans le paradis. Ce sont deux grandes erreurs, telles qu’on en a débité toujours sur le mahométisme. Les épouses ne sont point du tout esclaves. Le sura ou chapitre iv du Koran leur assigne un douaire. Une fille doit avoir la moitié du bien dont hérite son frère. S’il n’y a que des filles, elles partagent entre elles les deux tiers de la succession, et le reste appartient aux parents du mort ; chacune des deux lignes en aura la sixième partie ; et la mère du mort a aussi un droit dans la succession. Les épouses sont si peu esclaves qu’elles ont permission de demander le divorce, qui leur est accordé quand leurs plaintes sont jugées légitimes.

Il n’est pas permis aux musulmans d’épouser leur belle-sœur, leur nièce, leur sœur de lait, leur belle-fille élevée sous la garde de leur femme ; il n’est pas permis d’épouser les deux sœurs. En cela ils sont bien plus sévères que les chrétiens, qui tous les jours achètent à Rome le droit de contracter de tels mariages, qu’ils pourraient faire gratis.


POLYGAMIE.


Mahomet a réduit le nombre illimité des épouses à quatre. Mais comme il faut être extrêmement riche pour entretenir quatre femmes selon leur condition, il n’y a que les plus grands seigneurs qui puissent user d’un tel privilége. Ainsi la pluralité des femmes ne fait point aux États musulmans le tort que nous leur reprochons si souvent, et ne les dépeuple pas, comme on le répète tous les jours dans tant de livres écrits au hasard.

  1. Catherine II.