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FEU.

Quoi qu’il en soit, je ris de mon doute ; et je voudrais, pour la rareté du fait, que cette incompréhensible pénétration pût être admise. La lumière a quelque chose de si divin qu’on serait tenté d’en faire un degré pour monter à des substances encore plus pures.

À mon secours, Empédocle ; à moi, Démocrite ; venez admirer les merveilles de l’électricité ; voyez si ces étincelles qui traversent mille corps en un clin d’œil sont de la matière ordinaire ; jugez si le feu élémentaire ne fait pas contracter le cœur et ne lui communique pas cette chaleur qui donne la vie ; jugez si cet être n’est pas la source de toutes les sensations, et si ces sensations ne sont pas l’unique origine de toutes nos chétives pensées, quoique des pédants ignorants et insolents aient condamné cette proposition comme on condamne un plaideur à l’amende.

Dites-moi si l’Être suprême qui préside à toute la nature ne peut pas conserver à jamais ces monades élémentaires auxquelles il a fait des dons si précieux.

Igneus est ollis vigor et celestis origo[1].

Le célèbre Le Cat appelle ce fluide vivifiant[2] « un être amphibie, affecté par son auteur d’une nuance supérieure, qui le lie avec l’être immatériel, et par là l’ennoblit et l’élève à la nature mitoyenne qui le caractérise et fait la source de toutes ses propriétés ».

Vous êtes de l’avis de Le Cat ; j’en serais aussi si j’osais, mais il y a tant de sots et tant de méchants que je n’ose pas. Je ne puis que penser tout bas à ma façon au mont Krapack : les autres penseront comme ils pourront, soit à Salamanque, soit à Bergame.


SECTION II[3].


De ce qu’on entend par cette expression au moral.


Le feu, surtout en poésie, signifie souvent l’amour, et on l’emploie plus élégamment au pluriel qu’au singulier. Corneille dit

  1. Virgile, Æn., VI, 730.
  2. Dissertation de Le Cat sur le fluide des nerfs, page 36. (Note de Voltaire.)
  3. Ce morceau a paru dans le tome VI de l’Encyclopédie, 1756. Comme il était placé après plusieurs autres articles Feu, il commençait ainsi : « Après avoir parcouru les différentes acceptions du feu au physique, il faut passer au moral. Le feu, surtout en poésie, etc. » (B.)