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FLIBUSTIERS.

rivières dans le golfe de Venise, excepté le Pô, se jettent dans la mer vers le midi. C’est la direction du Rhône, de Lyon à son embouchure. Celle de la Seine est au nord-nord-ouest. Le Rhin depuis Bâle court droit au septentrion ; la Meuse de même, depuis sa source jusqu’aux terres inondées ; l’Escaut de même.

Pourquoi donc chercher à se tromper, pour avoir le plaisir de faire des systèmes, et de tromper quelques ignorants ? Qu’en reviendra-t-il quand on aura fait accroire à quelques gens, bientôt détrompés, que tous les fleuves et toutes les montagnes sont dirigés de l’orient à l’occident, ou de l’occident à l’orient ; que tous les monts sont couverts d’huîtres (ce qui n’est assurément pas vrai) ; qu’on a trouvé des ancres de vaisseau sur la cime des montagnes de la Suisse; que ces montagnes ont été formées par les courants de l’Océan ; que les pierres à chaux ne sont autre chose que des coquilles[1] ? Quoi ! faut-il traiter aujourd’hui la physique comme les anciens traitaient l’histoire ?

Pour revenir aux fleuves, aux rivières, ce qu’il y a de mieux à faire, c’est de prévenir les inondations ; c’est de faire des rivières nouvelles, c’est-à-dire des canaux, autant que l’entreprise est praticable. C’est un des plus grands services qu’on puisse rendre à une nation. Les canaux de l’Égypte étaient aussi nécessaires que les pyramides étaient inutiles.

Quant à la quantité d’eau que les lits des fleuves portent, et à tout ce qui regarde le calcul, lisez l’article Fleuve de M. d’Alembert ; il est, comme tout ce qu’il a fait, clair, précis, vrai, écrit du style propre au sujet : il n’emprunte point le style du Télémaque pour parler de physique.


FLIBUSTIERS[2].


On ne sait pas d’où vient le nom de flibustiers, et cependant la génération passée vient de nous raconter les prodiges que ces flibustiers ont faits : nous en parlons tous les jours ; nous y touchons. Qu’on cherche après cela des origines et des étymologies ; et si l’on croit en trouver, qu’on s’en défie.

Du temps du cardinal de Richelieu, lorsque les Espagnols et les Français se détestaient encore, parce que Ferdinand le Catho-

  1. Voyez le traité Des Singularités de la nature (dans les Mélanges, année 1768).
  2. Questions sur l’Encyclopédie, neuvième partie, 1772. (B.)