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FRANÇOIS XAVIER.

être passés maîtres. Les ouvriers ont cette franchise dans le faubourg Saint-Antoine ; mais ce n’est pas un asile comme le Temple.

Cette franchise, qui exprime ordinairement la liberté d’une nation, d’une ville, d’un corps, a bientôt après signifié la liberté d’un discours, d’un conseil qu’on donne, d’un procédé dans une affaire ; mais il y a une grande nuance entre parler avec franchise, et parler avec liberté. Dans un discours à son supérieur, la liberté est une hardiesse ou mesurée ou trop forte ; la franchise se tient plus dans les justes bornes, et est accompagnée de candeur. Dire son avis avec liberté, c’est ne pas craindre ; le dire avec franchise, c’est se conduire ouvertement et noblement. Parler avec trop de liberté, c’est marquer de l’audace ; parler avec trop de franchise, c’est trop ouvrir son cœur.



FRANÇOIS RABELAIS[1].


 

FRANÇOIS XAVIER[2].


Il ne serait pas mal de savoir quelque chose de vrai concernant le célèbre François Xavero, que nous nommons Xavier, surnommé l’apôtre des Indes. Bien des gens s’imaginent encore qu’il établit le christianisme sur toute la côte méridionale de l’Inde, dans une vingtaine d’îles, et surtout au Japon. Il n’y a pas trente ans qu’à peine était-il permis d’en douter dans l’Europe.

Les jésuites n’ont fait nulle difficulté de le comparer à saint Paul. Ses voyages et ses miracles avaient été écrits en partie par Tursellin et Orlandin, par Lucéna, par Bartoli, tous jésuites, mais très-peu connus en France : moins on était informé des détails, plus sa réputation était grande.

Lorsque le jésuite Bouhours composa son histoire, Bouhours passait pour un très-bel esprit ; il vivait dans la meilleure compagnie de Paris ; je ne parle pas de la compagnie de Jésus, mais de celle des gens du monde les plus distingués par leur esprit et par leur savoir. Personne n’eut un style plus pur et plus éloigné

  1. L’article qu’on trouvait sous ce mot dans les Questions sur l’Encyclopédie était divisé en deux sections. La première se composait de la première des Lettres à Son Altesse sérénissime monseigneur le prince de ***. La seconde section était formée de la majeure partie de la seconde des mêmes Lettres. Voyez Mélanges, année 1767. (B.)
  2. Questions sur l’Encyclopédie, sixième partie, 1771. (B.) — Voyez aussi Xavier.