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GÉNÉALOGIE.

mais il faut que le gazetier dise : Nous apprenons que le roi a établi, et non pas aurait établi une loterie, etc. ; nous apprenons que les Français ont pris Minorque, et non pas auraient pris Minorque. Le style de ces écrits doit être de la plus grande simplicité ; les épithètes y sont ridicules. Si le parlement a eu une audience du roi, il ne faut pas dire : « Cet auguste corps a eu une audience du roi ; ces pères de la patrie sont revenus à cinq heures précises. » On ne doit jamais prodiguer ces titres ; il ne faut les donner que dans les occasions où ils sont nécessaires. « Son Altesse dîna avec Sa Majesté ; et Sa Majesté mena ensuite Son Altesse à la comédie ; après quoi Son Altesse joua avec Sa Majesté ; et les autres Altesses et Leurs Excellences messieurs les ambassadeurs assistèrent au repas que Sa Majesté donna à Leurs Altesses. » C’est une affectation servile qu’il faut éviter. Il n’est pas nécessaire de dire que les termes injurieux ne doivent jamais être employés, sous quelque prétexte que ce puisse être.

À l’imitation des gazettes politiques, on commença en France à imprimer des gazettes littéraires en 1665 : car les premiers journaux ne furent en effet que de simples annonces des livres nouveaux imprimés en Europe ; bientôt après on y joignit une critique raisonnée. Elle déplut à plusieurs auteurs, toute modérée qu’elle était. Nous ne parlerons ici que de ces gazettes littéraires dont on surchargea le public, qui avait déjà de nombreux journaux de tous les pays de l’Europe où les sciences sont cultivées. Ces gazettes parurent vers l’an 1723, à Paris, sous plusieurs noms différents : Nouvelliste du Parnasse, Observations sur les écrits modernes, etc. La plupart ont été faites uniquement pour gagner de l’argent ; et comme on n’en gagne point à louer des auteurs, la satire fît d’ordinaire le fond de ces écrits. On y mêla souvent des personnalités odieuses, la malignité en procura le débit ; mais la raison et le bon goût, qui prévalent toujours à la longue, les firent tomber dans le mépris et dans l’oubli.



GÉNÉALOGIE[1].


SECTION PREMIÈRE.


Les théologiens ont écrit des volumes pour tâcher de concilier saint Matthieu avec saint Luc sur la généalogie de Jésus-

  1. Voltaire refusa de faire l’article Généalogie pour l’Encyclopédie, parce qu’il n’y aurait pu dire ce qu’il voulait : « J’ai de l’aversion, écrit-il à d’Alembert à ce sujet, pour la vanité des généalogies ; je n’en crois pas quatre d’avérées avant la fin du xiiie siècle, et je ne suis pas assez savant pour concilier les deux généalogies absolument différentes de notre divin Sauveur. » L’article Généalogie parut dans les Questions. (G. A.)