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HÉMISTICHE.

qu’ils soient) pour montrer par quelle méthode on doit rompre cette monotonie que la loi de l’hémistiche semble entraîner avec elle :

Observez l’hémistiche, et redoutez l’ennui
Qu’un repos uniforme attache auprès de lui.
Que votre phrase heureuse, et clairement rendue,
Soit tantôt terminée, et tantôt suspendue ;
C’est le secret de l’art. Imitez ces accents
Dont l’aisé Jéliotte avait charmé nos sens.
Toujours harmonieux, et libre sans licence,
Il n’appesantit point ses sons et sa cadence.
Sallé, dont Terpsichore avait conduit les pas,
Fit sentir la mesure, et ne la marqua pas.

Ceux qui n’ont point d’oreille n’ont qu’à consulter seulement les points et les virgules de ces vers ; ils verront qu’étant toujours partagés en deux parties égales, chacune de six syllabes, cependant la cadence y est toujours variée ; la phrase y est contenue ou dans un demi-vers, ou dans un vers entier, ou dans deux. On peut même ne compléter le sens qu’au bout de six vers ou de huit ; et c’est ce mélange qui produit une harmonie dont on est frappé, et dont peu de lecteurs voient la cause.

Plusieurs dictionnaires disent que l’hémistiche est la même chose que la césure ; mais il y a une grande différence. L’hémistiche est toujours à la moitié du vers ; la césure, qui rompt le vers, est partout où elle coupe la phrase.

Tiens, le voilà, marchons, il est à nous, viens, frappe.

Presque chaque mot est une césure dans ce vers.

Hélas ! quel est le prix des vertus ? la souffrance.

La césure est ici à la neuvième syllabe.

Dans les vers de cinq pieds ou de dix syllabes, il n’y a point d’hémistiche, quoi qu’en disent tant de dictionnaires ; il n’y a que des césures : on ne peut couper ces vers en deux parties égales de deux pieds et demi.

Ainsi partagés, — boiteux et mal faits,
Ces vers languissants — ne plairaient jamais.

On en voulut faire autrefois de cette espèce, dans le temps qu’on cherchait l’harmonie, qu’on n’a que très-difficilement