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HERMÈS.

car ils se croient si bien catholiques qu’ils nous traitent nous-mêmes d’hérétiques. Nous sommes persuadés qu’ils ont une pensée injurieuse à la génération divine, en ce qu’ils disent que le Fils est moindre que le Père. Ils croient, eux, que nous avons une opinion injurieuse pour le Père, parce que nous faisons le Père et le Fils égaux : la vérité est de notre côté ; mais ils croient l’avoir en leur faveur. Nous rendons à Dieu l’honneur qui lui est dû ; mais ils prétendent aussi le lui rendre dans leur manière de penser. Ils ne s’acquittent pas de leur devoir ; mais dans le point même où ils manquent ils font consister le plus grand devoir de la religion. Ils sont impies, mais dans cela même ils croient suivre la véritable piété. Ils se trompent donc, mais par un principe d’amour envers Dieu ; et quoiqu’ils n’aient pas la vraie foi, ils regardent celle qu’ils ont embrassée comme le parfait amour de Dieu.

« Il n’y a que le souverain juge de l’univers qui sache comment ils seront punis de leurs erreurs au jour du jugement. Cependant il les supporte patiemment, parce qu’il voit que s’ils sont dans l’erreur, ils errent par un mouvement de piété. »



HERMÈS, ou ERMÈS, ou MERCURE TRISMÉGISTE, ou THAUT, ou TAUT, ou THOT[1].


On néglige cet ancien livre de Mercure Trismégiste, et on peut n’avoir pas tort. Il a paru à des philosophes un sublime galimatias ; et c’est peut-être pour cette raison qu’on l’a cru l’ouvrage d’un grand platonicien.

Toutefois, dans ce chaos théologique, que de choses propres à étonner et à soumettre l’esprit humain ! Dieu, dont la triple essence est sagesse, puissance et bonté ; Dieu, formant le monde par sa pensée, par son verbe ; Dieu, créant des dieux subalternes ; Dieu, ordonnant à ces dieux de diriger les orbes célestes, et de présider au monde ; le soleil, fils de Dieu ; l’homme, image de Dieu par la pensée ; la lumière, principal ouvrage de Dieu, essence divine ; toutes ces grandes et vives images éblouirent l’imagination subjuguée.

Il reste à savoir si ce livre, aussi célèbre que peu lu, fut l’ouvrage d’un Grec ou d’un Égyptien.

Saint Augustin ne balance pas à croire que le livre est d’un

  1. Questions sur l’Encyclopédie, septième partie, 1771. (B.)