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HISTOIRE.

Hérodote arrive aux jeux olympiques, et fait des contes aux Grecs assemblés, comme une vieille à des enfants. Il commence par dire que les Phéniciens naviguèrent de la mer Rouge dans la Méditerranée, ce qui suppose que ces Phéniciens avaient doublé notre cap de Bonne-Espérance, et fait le tour de l’Afrique.

Ensuite vient l’enlèvement d’Io, puis la fable de Gygès et de Candaule, puis de belles histoires de voleurs, et celle de la fille du roi d’Égypte Chéops, qui, ayant exigé une pierre de taille de chacun de ses amants, en eut assez pour bâtir une des plus belles pyramides.

Joignez à cela des oracles, des prodiges, des tours de prêtres, et vous avez l’histoire du genre humain.

Les premiers temps de l’histoire romaine semblent écrits par des Hérodotes ; nos vainqueurs et nos législateurs ne savaient compter leurs années qu’en fichant des clous dans une muraille par la main de leur grand pontife.

Le grand Romulus, roi d’un village, est fils du dieu Mars et d’une religieuse qui allait chercher de l’eau dans sa cruche. Il a un dieu pour père, une catin pour mère, et une louve pour nourrice. Un bouclier tombe du ciel exprès pour Numa. On trouve les beaux livres des sibylles. Un augure coupe un gros caillou avec un rasoir par la permission des dieux. Une vestale met à flot un gros vaisseau engravé, en le tirant avec sa ceinture. Castor et Pollux viennent combattre pour les Romains, et la trace des pieds de leurs chevaux reste imprimée sur la pierre. Les Gaulois ultramontains viennent saccager Rome : les uns disent qu’ils furent chassés par des oies, les autres qu’ils remportèrent beaucoup d’or et d’argent ; mais il est probable que dans ces temps-là, en Italie, il y avait beaucoup moins d’argent que d’oies. Nous avons imité les premiers historiens romains, au moins dans leur goût pour les fables. Nous avons notre oriflamme apportée par un ange, la sainte ampoule par un pigeon ; et quand nous joignons à cela le manteau de saint Martin, nous sommes bien forts.

Quelle serait l’histoire utile ? Celle qui nous apprendrait nos devoirs et nos droits, sans paraître prétendre à nous les enseigner.

On demande souvent si la fable du sacrifice d’Iphigénie est prise de l’histoire de Jephté, si le déluge de Deucalion est inventé en imitation de celui de Noé, si l’aventure de Philémon et de Baucis est d’après celle de Loth et de sa femme. Les Juifs avouent qu’ils ne communiquaient point avec les étrangers, que leurs livres ne furent connus des Grecs qu’après la traduction faite par ordre d’un Ptolémée ; mais les Juifs furent longtemps auparavant cour-