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HISTOIRE.

Romains comme chez les Grecs. Celle de Faune rappelait son aventure avec Hercule et Omphale, quand ce dieu, amoureux d’Omphale, prit le lit d’Hercule pour celui de sa maîtresse.

La fameuse fête des lupercales était établie en l’honneur de la louve qui allaita Romulus et Rémus.

Sur quoi était fondée la fête d’Orion, célébrée le cinq des ides de mai ? Le voici. Hyrée reçut chez lui Jupiter, Neptune et Mercure ; et quand ses hôtes prirent congé, ce bonhomme, qui n’avait point de femme et qui voulait avoir un enfant, témoigna sa douleur aux trois dieux. On n’ose exprimer ce qu’ils firent sur la peau du bœuf qu’Hyrée leur avait servi à manger ; ils couvrirent ensuite cette peau d’un peu de terre : de là naquit Orion au bout de neuf mois.

Presque toutes les fêtes romaines, syriennes, grecques, égyptiennes, étaient fondées sur de pareils contes, ainsi que les temples et les statues des anciens héros : c’étaient des monuments que la crédulité consacrait à l’erreur.

[1]Un de nos plus anciens monuments est la statue de saint Denis portant sa tête dans ses bras.

Une médaille, même contemporaine, n’est pas quelquefois une preuve. Combien la flatterie n’a-t-elle pas frappé de médailles sur des batailles très-indécises, qualifiées de victoires, et sur des entreprises manquées, qui n’ont été achevées que dans la légende ? N’a-t-on pas en dernier lieu, pendant la guerre de 1740 des Anglais contre le roi d’Espagne, frappé une médaille qui attestait la prise de Carthagène par l’amiral Vernon, tandis que cet amiral levait le siége ?

Les médailles ne sont des témoignages irréprochables que lorsque l’événement est attesté par des auteurs contemporains[2] ; alors ces preuves, se soutenant l’une par l’autre, constatent la vérité[3].


DOIT-ON DANS L’HISTOIRE INSÉRER DES HARANGUES, ET FAIRE DES PORTRAITS ?


Si dans une occasion importante un général d’armée, un homme d’État a parlé d’une manière singulière et forte, qui

  1. Cette phrase n’existe pas dans l’Encyclopédie. Elle fut ajoutée en 1771. (B.)
  2. Voltaire l’a déjà dit dans son Essai sur les Mœurs, tome XIII, page 175.
  3. Ici, dans les Questions sur l’Encyclopédie, en 1771, étaient reproduits les chapitres xii, xiii, xv, xvi, xvii, du Pyrrhonisme de l’histoire (voyez les Mélanges, année 1768). (B.)