Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome19.djvu/44

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
34
ÉTATS GÉNÉRAUX.


— Oui, sans doute, dit le brame ; toutes les lois qui concernent la physique sont calculées pour le méridien qu’on habite ; il ne faut qu’une femme à un Allemand, et il en faut trois ou quatre à un Persan. Les rites de la religion sont de même nature. Comment voudriez-vous, si j’étais chrétien, que je disse la messe dans ma province, où il n’y a ni pain ni vin ? À l’égard des dogmes, c’est autre chose : le climat n’y fait rien. Votre religion n’a-t-elle pas commencé en Asie, d’où elle a été chassée ? n’existe-t-elle pas vers la mer Baltique, où elle était inconnue ?

— Dans quel État, sous quelle domination aimeriez-vous mieux vivre ? dit le conseiller.

— Partout ailleurs que chez moi, dit son compagnon ; et j’ai trouvé beaucoup de Siamois, de Tunquinois, de Persans et de Turcs, qui en disaient autant.

— Mais encore une fois, dit l’Européan, quel État choisiriez-vous ? »

Le brame répondit : « Celui où l’on n’obéit qu’aux lois.

— C’est une vieille réponse, dit le conseiller.

— Elle n’en est pas plus mauvaise, dit le brame.

— Où est ce pays-là ? dit le conseiller. » Le brame dit : « Il faut le chercher. » (Voyez l’article Genève dans l’Encyclopédie[1]).


ÉTATS GÉNÉRAUX[2].

Il y en a toujours eu dans l’Europe, et probablement dans toute la terre : tant il est naturel d’assembler la famille pour connaître ses intérêts et pourvoir à ses besoins. Les Tartares avaient leur cour-ilté. Les Germains, selon Tacite, s’assemblaient pour délibérer. Les Saxons et les peuples du Nord eurent leur vittenagemoth. Tout fut états généraux dans les républiques grecque et romaine.

Nous n’en voyons point chez les Égyptiens, chez les Perses, chez les Chinois, parce que nous n’avons que des fragments fort imparfaits de leurs histoires ; nous ne les connaissons guère que depuis le temps où leurs rois furent absolus, ou du moins depuis le temps où

  1. Cet article a été écrit vers 1757. Voyez aussi l’article Gouvernement dans ce Dictionnaire. (K.) — L’article Genève, dans l’Encyclopédie, est de d’Alembert, et fit naître la fameuse Lettre de J.-J. Rousseau.
  2. Questions sur l’Encyclopédie, sixième partie, 1771. (B.)