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INQUISITION.

Au commencement, à la vérité, les hérétiques n’étaient point soumis dans le Milanais à la peine de mort, dont ils sont cependant si dignes, parce que les papes n’étaient pas assez respectés de l’empereur Frédéric, qui possédait cet État ; mais, peu de temps après, on brûla les hérétiques à Milan, comme dans les autres endroits de l’Italie, et notre auteur observe que, l’an 1315, quelques milliers d’hérétiques s’étant répandus dans le Crémasque, petit pays enclavé dans le Milanais, les frères dominicains en firent brûler la plus grande partie, et arrêtèrent par le feu les ravages de cette peste.

Comme le premier canon du concile de Toulouse, dès l’an 1229, avait ordonné aux évêques de choisir en chaque paroisse un prêtre et deux ou trois laïques de bonne réputation, lesquels faisaient serment de rechercher exactement et fréquemment les hérétiques dans les maisons, les caves et tous les lieux où ils se pourraient cacher, et d’en avertir promptement l’évêque, le seigneur du lieu ou son bailli, après avoir pris leurs précautions afin que les hérétiques découverts ne pussent s’enfuir, les inquisiteurs agissaient dans ce temps-là de concert avec les évêques. Les prisons de l’évêque et de l’Inquisition étaient souvent les mêmes ; et quoique, dans le cours de la procédure, l’inquisiteur pût agir en son nom, il ne pouvait, sans l’intervention de l’évêque, faire appliquer à la question, prononcer la sentence définitive, ni condamner à la prison perpétuelle, etc. Les disputes fréquentes entre les évêques et les inquisiteurs sur les limites de leur autorité, sur les dépouilles des condamnés, etc., obligèrent, en 1473, le pape Sixte IV à rendre les inquisitions indépendantes et séparées des tribunaux des évêques. Il créa pour l’Espagne un inquisiteur général, muni du pouvoir de nommer des inquisiteurs particuliers ; et Ferdinand V[1], en 1478, fonda et dota les inquisitions.

À la sollicitation du frère Turrecremata, grand-inquisiteur en Espagne, le même Ferdinand V, surnommé le Catholique, bannit de son royaume tous les juifs, en leur accordant trois mois, à compter de la publication de son édit, après lequel temps il leur était défendu, sous peine de la vie, de se retrouver sur les terres de la domination espagnole. Il leur était permis de sortir du royaume avec les effets et marchandises qu’ils avaient achetés, mais défendu d’emporter aucune espèce d’or ou d’argent.

  1. Ferdinand V comme roi de Castille n’était que Ferdinand II comme roi d’Aragon.