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JUIFS.

avait chez elle un prêtre, un voyant, un devin, un rhoé, s’enquirent de lui si leur voyage serait heureux, s’il y aurait quelque bon coup à faire. Le lévite leur promit un plein succès. Ils commencèrent par voler la chapelle de la Michas, et lui prirent jusqu’à son lévite. La Michas et son mari eurent beau crier : Vous emportez mes dieux, et vous me volez mon prêtre, on les fit taire, et on alla mettre tout à feu et à sang, par dévotion, dans la petite bourgade de Dan, dont la tribu prit le nom.

Ces flibustiers conservèrent une grande reconnaissance pour les dieux de la Michas, qui les avaient si bien servis. Ces idoles furent placées dans un beau tabernacle, La foule des dévots augmenta, il fallut un nouveau prêtre : il s’en présenta un.

Ceux qui ne connaissent pas votre histoire ne devineront jamais qui fut ce chapelain. Vous le savez, messieurs, c’était le propre petit-fils de Moïse, un nommé Jonathan, fils de Gerson, fils de Moïse et de la fille à Jéthro.

Vous conviendrez avec moi que la famille de Moïse était un peu singulière. Son frère, à l’âge de cent ans, jette un veau d’or en fonte, et l’adore ; son petit-fils se fait aumônier des idoles pour de l’argent. Cela ne prouverait-il pas que votre religion n’était pas encore faite, et que vous tâtonnâtes longtemps avant d’être de parfaits Israélites tels que vous l’êtes aujourd’hui ?

Vous répondez à ma question que notre saint Pierre Simon Barjone en a fait autant, et qu’il commença son apostolat par renier son maître. Je n’ai rien à répliquer, sinon qu’il faut toujours se défier de soi. Et je me défie si fort de moi-même que je finis ma lettre en vous assurant de toute mon indulgence, et en vous demandant la vôtre.


CINQUIÈME LETTRE.

Assassinats juifs. Les Juifs ont-ils été anthropophages ? Leurs mères ont-elles couché avec des boucs ? Les pères et mères ont-ils immolé leurs enfants ? Et de quelques autres belles actions du peuple de Dieu.

Messieurs,

J’ai un peu gourmandé votre secrétaire : il n’est pas dans la civilité de gronder les valets d’autrui devant leurs maîtres ; mais l’ignorance orgueilleuse révolte dans un chrétien qui se fait valet d’un Juif. Je m’adresse directement à vous pour n’avoir plus affaire à votre livrée.