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KALENDES.

des indices équivoques, et de se rendre coupable du sang innocent pour avoir trop cru de vaines présomptions.

Une autre manière d’être injuste est de condamner au dernier supplice un homme qui mériterait tout au plus trois mois de prison : cette espèce d’injustice est celle des tyrans, et surtout des fanatiques, qui deviennent toujours des tyrans dès qu’ils ont la puissance de malfaire.

Nous ne pouvons mieux démontrer cette vérité que par la lettre qu’un célèbre avocat au conseil écrivit, en 1766, à M. le marquis de Beccaria, l’un des plus célèbres professeurs de jurisprudence qui soient en Europe[1].


K.


KALENDES.


La fête de la Circoncision, que l’Église célèbre le premier janvier, a pris la place d’une autre appelée fête des kalendes, des ânes, des fous, des innocents, selon la différence des lieux et des jours où elle se faisait. Le plus souvent c’était aux fêtes de Noël, à la Circoncision, ou à l’Épiphanie.

Dans la cathédrale de Rouen, il y avait, le jour de Noël, une procession où des ecclésiastiques choisis représentaient les prophètes de l’Ancien Testament qui ont prédit la naissance du Messie ; et ce qui peut avoir donné le nom à la fête, c’est que Balaam y paraissait monté sur une ânesse ; mais comme le poëme de Lactance, et le livre des Promesses sous le nom de saint Prosper, disent que Jésus dans la crèche a été reconnu par le bœuf et par l’âne, selon ce passage d’Isaïe[2] : « Le bœuf a reconnu son maître, et l’âne la crèche de son Seigneur » (circonstance que l’Évangile ni les anciens Pères n’ont cependant point remarquée), il est plus vraisemblable que ce fut de cette opinion que la fête de l’âne prit son nom.

  1. Dans les Questions sur l’Encyclopédie, septième partie, 1771, ce que Voltaire donnait ici n’était autre chose que la Relation de la mort du chevalier de La Barre, qu’il avait déjà publiée séparément (voyez les Mélanges, année 1756). Les éditeurs de Kehl, qui avaient déjà imprimé la Relation dans un de leurs volumes de Politique et Législation, mirent ici une Lettre à Beccaria au sujet de M. de Morangiès, qu’on trouvera dans les Mélanges, année 1772. (B.)
  2. Chapitre i, v. 3. (Note de Voltaire.)