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LOI NATURELLE.


LOI NATURELLE[1].
DIALOGUE.
B.

Qu’est-ce que la loi naturelle ?

A.

L’instinct qui nous fait sentir la justice.

B.

Qu’appelez-vous juste et injuste ?

A.

Ce qui paraît tel à l’univers entier.

B.

L’univers est composé de bien des têtes. On dit qu’à Lacédémone on applaudissait aux larcins, pour lesquels on condamnait aux mines dans Athènes.

A.

Abus de mots, logomachie, équivoque ; il ne pouvait se commettre de larcin à Sparte, lorsque tout y était commun. Ce que vous appelez vol était la punition de l’avarice.

B.

Il était défendu d’épouser sa sœur à Rome. Il était permis chez les Égyptiens, les Athéniens, et même chez les Juifs, d’épouser sa sœur de père. Je ne cite qu’à regret ce malheureux petit peuple juif, qui ne doit assurément servir de règle à personne, et qui (en mettant la religion à part) ne fut jamais qu’un peuple de brigands ignorants et fanatiques. Mais enfin, selon ses livres, la jeune Thamar, avant de se faire violer par son frère Ammon, lui dit : « Mon frère, ne me faites pas de sottises, mais demandez-moi en mariage à mon père ; il ne vous refusera pas[2]. »

A.

Lois de convention que tout cela, usages arbitraires, modes qui passent : l’essentiel demeure toujours. Montrez-moi un pays

  1. Questions sur l’Encyclopédie, septième partie, 1771. Ce dialogue est extrait presque en entier du quatrième entretien d’A, B, C. Voyez les Mélanges, année 1768. (B.)
  2. Rois, II, chapitre xiii, v. 12, 13.