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LOIS CIVILES ET ECCLÉSIASTIQUES.

en doter la superstition et l’oisiveté : ils feront en une heure trente lois de cette espèce, toutes utiles au genre humain.

Mais que Tamerlan arrive et subjugue l’Inde, alors vous ne verrez plus que des lois arbitraires. L’une accablera une province pour enrichir un publicain de Tamerlan ; l’autre fera un crime de lèse-majesté d’avoir mal parlé de la maîtresse du premier valet de chambre d’un raïa ; une troisième ravira la moitié de la récolte de l’agriculteur, et lui contestera le reste ; il y aura enfin des lois par lesquelles un appariteur tartare viendra saisir vos enfants au berceau, fera du plus robuste un soldat, et du plus faible un eunuque, et laissera le père et la mère sans secours et sans consolation.

Or lequel vaut le mieux d’être le chien de Tamerlan ou son sujet ? Il est clair que la condition de son chien est fort supérieure.


LOIS CIVILES ET ECCLÉSIASTIQUES[1].


On a trouvé dans les papiers d’un jurisconsulte ces notes, qui méritent peut-être un peu d’examen.

Que jamais aucune loi ecclésiastique n’ait de force que lorsqu’elle aura la sanction expresse du gouvernement. C’est par ce moyen qu’Athènes et Rome n’eurent jamais de querelles religieuses.

Ces querelles sont le partage des nations barbares, ou devenues barbares.

Que le magistrat seul puisse permettre ou prohiber le travail les jours de fête, parce qu’il n’appartient pas à des prêtres de défendre à des hommes de cultiver leurs champs.

Que tout ce qui concerne les mariages dépende uniquement du magistrat, et que les prêtres s’en tiennent à l’auguste fonction de les bénir.

Que le prêt à intérêt soit purement un objet de la loi civile, parce qu’elle seule préside au commerce.

Que tous les ecclésiastiques soient soumis en tous les cas au gouvernement, parce qu’ils sont sujets de l’État.

Que jamais on n’ait le ridicule honteux de payer à un prêtre étranger la première année du revenu d’une terre que des citoyens ont donnée à un prêtre concitoyen.

  1. Dictionnaire philosophique, 1764. (B.)