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ZAÏRE.




Scène III.

OROSMANE, CORASMIN.
orosmane.

Ah ! c’est trop tôt chercher ce solitaire asile,
C’est trop tôt abuser de ma honte facile ;
Et plus j’y pense, ami, moins je puis concevoir
Le sujet si caché de tant de désespoir.
Quoi donc ! par ma tendresse élevée à l’empire,
Dans le sein du bonheur que son âme désire,
Près d’un amant qu’elle aime, et qui brûle à ses pieds,
Ses yeux, remplis d’amour, de larmes sont noyés !
Je suis bien indigné de voir tant de caprices :
Mais moi-même, après tout, eus-je moins d’injustices ?
Ai-je été moins coupable à ses yeux offensés ?
Est-ce à moi de me plaindre ? on m’aime, c’est assez,
Il me faut expier, par un peu d’indulgence,
De mes transports jaloux l’injurieuse offense.
Je me rends : je le vois, son cœur est sans détours ;
La nature naïve anime ses discours.
Elle est dans l’âge heureux où règne l’innocence ;
À sa sincérité je dois ma confiance.
Elle m’aime sans doute ; oui, j’ai lu devant toi,
Dans ses yeux attendris, l’amour qu’elle a pour moi ;
Et son âme, éprouvant cette ardeur qui me touche,
Vingt fois pour me le dire a volé sur sa bouche.
Qui peut avoir un cœur assez traître, assez bas,
Pour montrer tant d’amour, et ne le sentir pas ?



Scène IV.

OROSMANE, CORASMIN, MÉLÉDOR.
mélédor.

Cette lettre, seigneur, à Zaïre adressée.
Par vos gardes saisie, et dans mes mains laissée.