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NOËL.

savant que lui, place cette naissance au 18 novembre de la vingt-huitième année d’Auguste. Cela se déduit, selon la remarque du jésuite Petau sur saint Épiphane, de ces paroles de saint Clément[1] ; Depuis la naissance de Jésus-Christ jusqu’à la mort de Commode, il y a en tout cent quatre-vingt-quatorze ans un mois et treize jours. » Or Commode mourut, suivant Petau, le dernier décembre de l’année 192 de l’ère vulgaire ; il faut donc que, selon Clément, Jésus soit né un mois et treize jours avant le dernier décembre, et par conséquent le 18 novembre de la vingt-huitième année d’Auguste. Sur quoi il faut observer que saint Clément ne compte les années d’Auguste que depuis la mort d’Antoine et la prise d’Alexandrie, parce que ce fut alors que ce prince resta seul maître de l’empire.

Ainsi l’on n’est pas plus assuré de l’année que du jour et du mois de cette naissance. Quoique saint Luc déclare qu’il[2] s’est exactement informé de toutes ces choses depuis leur premier commencement, il fait assez voir qu’il ne savait pas exactement l’âge de Jésus, quand il dit[3] qu’il avait environ trente ans lorsqu’il fut baptisé. En effet, cet évangéliste[4] fait naître Jésus l’année d’un dénombrement, qui fut fait, selon lui, par Cirinus ou Cirinius, gouverneur de Syrie, tandis que ce fut par Sentius Saturnius, si l’on en croit Tertullien[5]. Mais Saturnius avait déjà quitté la province la dernière année d’Hérode, et avait eu pour successeur Quintilius Varus, comme nous l’apprenons de Tacite[6] ; et Publius Sulpitius Quirinus ou Quirinius, dont veut apparemment parler saint Luc, ne succéda à Quintilius Varus qu’environ dix ans après la mort d’Hérode, lorsque Archélaüs, roi de Judée, fut relégué par Auguste, comme le dit Josèphe dans ses Antiquités Judaïques[7].

Il est vrai que Tertullien[8] et avant lui saint Augustin[9], renvoyaient les païens et les hérétiques de leur temps aux archives publiques où se conservaient les registres de ce prétendu dénombrement ; mais Tertullien renvoyait également aux archives publiques pour y trouver la nuit arrivée en plein midi au temps de la passion de Jésus, comme nous l’avons dit à l’article Éclipse, où nous avons observé le peu d’exactitude de ces deux Pères et de

  1. Stromates, livre 1, page 340. (Note de Voltaire.)
  2. Chapitre i, v. 3. (Id.)
  3. Chapitre iii, v. 23. (Id.)
  4. Chapitre ii, v. 2. (Id.)
  5. Livre IV, chapitre xix, contre Marcion. (Id.)
  6. Histoire, livre V, section 9. (Note de Voltaire.)
  7. Livre XVII, chapitre xv. (Id.)
  8. Livre IV, chapitre vi, contre Marcion. (Id.)
  9. Seconde Apologie. (Id.)