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ORACLES.

ment d’Alexandrie : Vante-nous, dit-il, si tu veux, ces oracles pleins de folie et d’impertinence, ceux de Claros, d’Apollon pythien, de Didyme, d’Amphilochus ; tu peux y ajouter les augures et les interprètes des songes et des prodiges. Fais-nous paraître aussi devant l’Apollon pythien ces gens qui devinent par la farine ou par l’orge, et ceux qui ont été si estimés parce qu’ils parlaient du ventre. Que les secrets des temples des Égyptiens, et que la nécromancie des Étrusques, demeurent dans les ténèbres : toutes ces choses ne sont certainement que des impostures extravagantes et de pures tromperies pareilles à celles des jeux de dés. Les chèvres qu’on a dressées à la divination, les corbeaux qu’on a instruits à rendre des oracles, ne sont, pour ainsi dire, que les associés des charlatans qui fourbent tous les hommes.

Eusèbe étale à son tour d’excellentes raisons pour prouver que les oracles ont pu n’être que des impostures ; et s’il les attribue aux démons, c’est par l’effet d’un préjugé pitoyable, et par un respect forcé pour l’opinion commune. Les païens n’avaient garde de consentir que leurs oracles ne fussent qu’un artifice de leurs prêtres ; on crut donc, par une mauvaise manière de raisonner, gagner quelque chose dans la dispute en leur accordant que quand même il y aurait eu du surnaturel dans leurs oracles, cet ouvrage n’était pas celui de la Divinité, mais des démons.

Il n’est plus question de deviner les finesses des prêtres par des moyens qui pourraient eux-mêmes paraître trop fins. Un temps a été qu’on les a découvertes de toutes parts aux yeux de toute la terre ; ce fut quand la religion chrétienne triompha hautement du paganisme sous les empereurs chrétiens.

Théodoret dit que Théophile, évêque d’Alexandrie, fit voir à ceux de cette ville les statues creuses où les prêtres entraient par des chemins cachés pour y rendre les oracles. Lorsque par l’ordre de Constantin on abattit le temple d’Esculape à Égès en Cilicie, on chassa, dit Eusèbe dans la Vie de cet empereur, non pas un dieu, ni un démon, mais le fourbe qui avait si longtemps imposé à la crédulité des peuples. À cela il ajoute en général que, dans les simulacres des dieux abattus, on n’y trouvait rien moins que des dieux ou des démons, non pas même quelques malheureux spectres obscurs et ténébreux, mais seulement du foin, de la paille, ou des os de morts.

La plus grande difficulté qui regarde les oracles est surmontée depuis que nous avons reconnu que les démons n’ont point dû y avoir de part. On n’a plus aucun intérêt à les faire finir préci-