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POURQUOI (LES).

Ces offices, qui font sans doute la prospérité et la splendeur d’un empire, formaient des communautés nombreuses, qui avaient chacune leur syndic. Tout cela fut supprimé en 1719, mais pour faire place à d’autres de pareille espèce dans la suite des temps.

Ne vaudrait-il pas mieux retrancher tout le faste et tout le luxe de la grandeur que de les soutenir misérablement par des moyens si bas et si honteux ?

[1]Pourquoi un royaume réduit souvent aux extrémités et à quelque avilissement s’est-il pourtant soutenu, quelques efforts que l’on ait faits pour l’écraser ? C’est que la nation est active et industrieuse. Elle ressemble aux abeilles ; on leur prend leur cire et leur miel, et le moment d’après elles travaillent à en faire d’autres.

Pourquoi dans la moitié de l’Europe les filles prient-elles Dieu en latin, qu’elles n’entendent pas ?

Pourquoi presque tous les papes et tous les évêques, au xvie siècle, ayant publiquement tant de bâtards, s’obstinèrent-ils à proscrire le mariage des prêtres, tandis que l’Église grecque a continué d’ordonner que ses curés eussent des femmes ?

Pourquoi dans l’antiquité n’y eut-il jamais de querelle théologique, et ne distingua-t-on jamais aucun peuple par un nom de secte ? Les Égyptiens n’étaient point appelés Isiaques, Osiriaques ; les peuples de Syrie n’avaient point le nom de Cybéliens. Les Crétois avaient fait une dévotion particulière à Jupiter, et ne s’intitulèrent jamais Jupitériens. Les anciens Latins étaient fort attachés à Saturne ; il n’y eut pas un village du Latium qu’on appelât Saturnien. Au contraire, les disciples du Dieu de vérité, prenant le titre de leur maître même, et s’appelant oints comme lui, déclarèrent, dès qu’ils le purent, une guerre éternelle à tous les peuples qui n’étaient pas oints, et se firent pendant plus de quatorze cents ans la guerre entre eux, en prenant les noms d’ariens, de manichéens, de donatistes, de hussites, de papistes, de luthériens, de calvinistes. Et même, en dernier lieu, les jansénistes et les molinistes n’ont point eu de mortification plus cuisante que de n’avoir pu s’égorger en bataille rangée. D’où vient cela ?

Pourquoi un marchand libraire vous vend-il publiquement le cours d’athéisme du grand poëte Lucrèce, imprimé à l’usage du dauphin, fils unique de Louis XIV, par les ordres et sous les yeux du sage duc de Montausier, et de l’éloquent Bossuet, évêque de

  1. C’est ici que commençait l’article dans la neuvième partie des Questions sur l’Encyclopédie, 1772. (B.)