Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome20.djvu/317

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
307
PURGATOIRE.

messe qu’on disait au xive siècle et au xve pour six liards, délivrait une âme. Les hérétiques avaient beau remontrer qu’à la vérité les apôtres avaient eu le droit de délier tout ce qui était lié sur la terre, mais non pas sous terre, on leur courait sus comme à des scélérats qui osaient douter du pouvoir des clefs ; et en effet, il est à remarquer que quand le pape veut bien vous remettre cinq ou six cents ans de purgatoire, il vous fait grâce de sa pleine puissance : pro potestate a Deo accepta concedit.

DE L’ANTIQUITÉ DU PURGATOIRE.

On prétend que le purgatoire était, de temps immémorial, reconnu par le fameux peuple juif ; et on se fonde sur le second livre des Machabées, qui dit expressément « qu’ayant trouvé sous les habits des Juifs (au combat d’Odollam) des choses consacrées aux idoles de Jamnia, il fut manifeste que c’était pour cela qu’ils avaient péri ; et ayant fait une quête de douze mille dragmes d’argent[1], lui qui pensait bien et religieusement de la résurrection, les envoya à Jérusalem pour les péchés des morts ».

Comme nous nous sommes fait un devoir de rapporter les objections des hérétiques et des incrédules, afin de les confondre par leurs propres sentiments, nous rapporterons ici leurs difficultés sur les douze mille francs envoyés par Judas, et sur le purgatoire.

Ils disent :

1° Que douze mille francs de notre monnaie étaient beaucoup pour Judas, qui soutenait une guerre de barbets contre un grand roi ;

2° Qu’on peut envoyer un présent à Jérusalem pour les péchés des morts, afin d’attirer la bénédiction de Dieu sur les vivants ;

3° Qu’il n’était point encore question de résurrection dans ces temps-là ; qu’il est reconnu que cette question ne fut agitée chez les Juifs que du temps de Gamaliel, un peu avant les prédications de Jésus-Christ[2] ;

4° Que la loi des Juifs, consistant dans le Décalogue, le Lévitique et le Deutéronome, n’ayant jamais parlé ni de l’immortalité de l’âme, ni des tourments de l’enfer, il était impossible à plus forte raison quelle eût jamais annoncé un purgatoire ;

5° Les hérétiques et les incrédules font les derniers efforts

  1. Livre II, chapitre xii, v. 40 et 43. (Note de Voltaire.)
  2. Voyez le Talmud, tome II.