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ROME, COUR DE ROME.

L’ancienne religion, sous laquelle les Romains avaient été victorieux pendant tant de siècles, subsistait encore dans les cœurs malgré la persécution, quand[1] Marie vint assiéger Rome, l’an 408 de notre ère vulgaire ; et le pape Innocent Ier n’empêcha pas qu’on ne sacrifiât aux dieux dans le Capitole et dans les autres temples, pour obtenir contre les Goths le secours du ciel. Mais ce pape Innocent fut du nombre des députés vers Alaric, si on en croit Zosime et Orose. Cela prouve que le pape était déjà un personnage considérable.

Lorsque Attila vint ravager l’Italie en 452, par le même droit que les Romains avaient exercé sur tant de peuples, par le droit de Clovis, et des Goths, et des Vandales, et des Hérules, l’empereur envoya le pape Léon Ier, assisté de deux personnages consulaires, pour négocier avec Attila. Je ne doute pas que saint Léon ne fût accompagné d’un ange armé d’une épée flamboyante, qui fit trembler le roi des Huns, quoiqu’il ne crût pas aux anges et qu’une épée ne lui fit pas peur. Ce miracle est très-bien peint dans le Vatican, et vous sentez bien qu’on ne l’eût jamais peint s’il n’avait été vrai. Tout ce qui me fâche, c’est que cet ange laissa prendre et saccager Aquilée et toute l’Illyrie, et qu’il n’empêcha pas ensuite Genseric de piller Rome pendant quatorze jours : ce n’était pas apparemment l’ange exterminateur.

Sous les exarques, le crédit des papes augmenta ; mais ils n’eurent encore nulle ombre de puissance civile. L’évêque romain élu par le peuple demandait, selon le protocole du Diarium romanum, la protection de l’évêque de Ravenne auprès de l’exarque, qui accordait ou refusait la confirmation à l’élu.

L’exarchat ayant été détruit par les Lombards, les rois lombards voulurent se rendre maîtres aussi de la ville de Rome : rien n’est plus naturel.

Pépin, l’usurpateur de la France, ne souffrit pas que les Lombards usurpassent cette capitale et fussent trop puissants : rien n’est plus naturel encore.

On prétend que Pépin et son fils Charlemagne donnèrent aux évêques romains plusieurs terres de l’exarchat, que l’on nomma les Justices de Saint-Pierre. Telle est la première origine de leur puissance temporelle. Il paraît que dès ce temps-là ces évêques songeaient à se procurer quelque chose de plus considérable que ces justices.

  1. Les éditions données du vivant de l’auteur portent : « Subsistait encore avec splendeur quand Alaric, etc. » (B.)