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XAVIER.

Quelques écrivains modernes, trompés par l’équivoque du nom, se sont imaginé que les apôtres saint Barthélemy et saint Thomas avaient prêché aux Indes orientales. Mais Abdias[1] remarque très-bien que les anciens font mention de trois Indes : la première, située vers l’Éthiopie ; la seconde, proche des Mèdes, et la troisième, à l’extrémité du continent.

Les Indiens à qui saint Barthélemy prêcha sont les Arabes de l’Yémen, qui sont nommés par Philostorge[2] les Indiens intérieurs, et par Sophronius[3] les Indiens fortunés : ce sont les habitants de l’Arabie Heureuse.

L’Inde qui est proche des Mèdes est évidemment la Perse et les provinces voisines, qui furent d’abord soumises aux Parthes. Or c’est dans ce pays-là, dans l’empire des Parthes, que les historiens ecclésiastiques[4] témoignent que saint Thomas alla prêcher l’Évangile. Aussi le métropolitain de Perse se vante-t-il, depuis plusieurs siècles, d’être le successeur de saint Thomas. L’auteur des voyages de cet apôtre, et celui de l’histoire d’Abdias, s’accordent là-dessus avec nos autres écrivains.

Enfin la troisième Inde, à l’extrémité du continent, comprend les côtes de Coromandel et de Malabar, et c’est celle dont Xavier fut l’apôtre.

Il arriva à Goa l’an 1542, sous la protection de Jean III, roi de Portugal ; et, malgré les miracles qu’il y opéra, il prétendait, de l’aveu du missionnaire dominicain Navarrète[5], qu’on n’établirait jamais aucun christianisme de durée parmi les païens, à moins que les auditeurs ne fussent à la portée d’un mousquet. Le jésuite Tellez, dans son Histoire d’Éthiopie[6], fait le même aveu. Ç’a toujours été, dit-il, le sentiment que nos religieux ont formé concernant la religion catholique, qu’elle ne pourrait être d’aucune durée en Éthiopie, à moins qu’elle ne fût appuyée par les armes.

L’expérience, en effet, vient à l’appui de cette opinion. Ce fut par les armes que l’on convertit l’Amérique ; et Barthélemy de Las Casas, moine et évêque de Chiapa, écrivit en langue castillane l’Histoire admirable des horribles insolences, cruautés et tyrannies exercées par les Espagnols aux Indes occidentales. Ce témoin oculaire

  1. Livre VIII, article i. (Note de Voltaire.)
  2. Histoire ecclésiastique, livre II, chapitre vi. (Id.)
  3. Saint Jérôme, dans le catalogue. (Id.)
  4. Eusèbe, livre III, chapitre i ; et Récognitions, livre IX, article i. (Id.)
  5. Traité VI, page 436, col. 6. (Id.)
  6. Livre IV, chapitre iii. (Id.)