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ZOROASTRE.

redoutables aux hommes que les chrétiens les sont les uns aux autres quand ils sont divisés de croyance et de sentiment. »

Ce qu’il y a de plus déplorable en cela, c’est quand le zèle est hypocrite et faux ; les exemples n’en sont pas rares. L’on tient d’un docteur de Sorbonne qu’en sortant d’une séance de la Faculté, Tournely, avec lequel il était fort lié, lui dit tout bas : « Vous voyez que j’ai soutenu avec chaleur tel sentiment pendant deux heures ; eh bien ! je vous assure qu’il n’y a pas un mot de vrai dans tout ce que j’ai dit. »

On sait aussi la réponse d’un jésuite qui avait été employé vingt ans dans les missions du Canada, et qui, ne croyant pas en Dieu, comme il en convenait à l’oreille d’un ami, avait affronté vingt fois la mort pour la religion qu’il prêchait avec succès aux sauvages. Cet ami lui représentant l’inconséquence de son zèle : « Ah ! répondit le jésuite missionnaire, vous n’avez pas d’idée du plaisir que l’on goûte à se faire écouter de vingt mille hommes, et à leur persuader ce qu’on ne croit pas soi-même. »

On est effrayé de voir que tant d’abus et de désordres soient nés de l’ignorance profonde où l’Europe a été plongée si longtemps ; et les souverains qui sentent enfin combien il importe d’être éclairé deviennent les bienfaiteurs de l’humanité en favorisant le progrès des connaissances, qui sont le soutien de la tranquillité et du bonheur des peuples, et le plus solide rempart contre les entreprises du fanatisme.



ZOROASTRE[1].


Si c’est Zoroastre qui le premier annonça aux hommes cette belle maxime : « Dans le doute si une action est bonne ou mauvaise, abstiens-toi, » Zoroastre était le premier des hommes après Confucius.

Si cette belle leçon de morale ne se trouve que dans les cent Portes du Sadder[2], longtemps après Zoroastre, bénissons l’auteur du Sadder. On peut avoir des dogmes et des rites très-ridicules avec une morale excellente.

Qui était ce Zoroastre ? Ce nom a quelque chose de grec, et on dit qu’il était Mède. Les Parsis d’aujourd’hui l’appellent Zerdust,

  1. Questions sur l’Encyclopédie, neuvième partie, 1772. Voltaire avait consacré à Zoroastre le paragraphe xxxix du Philosophe ignorant (voyez les Mélanges, année 1766). (B.)
  2. Voyez tome XI, pages 34 et 199.