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BABABEC ET LES FAKIRS.

excessive ambition. Vous condamnez ceux qui recherchent les honneurs dans cette vie, pourquoi en voulez-vous de si grands dans l’autre ? Et sur quoi d’ailleurs prétendez-vous être mieux traité que moi ? Sachez que je donne plus en aumônes en dix jours que ne vous coûtent en dix ans tous les clous que vous vous enfoncez dans le derrière. Brama a bien à faire que vous passiez la journée tout nu, avec une chaîne au cou ; vous rendez là un beau service à la patrie. Je fais cent fois plus de cas d’un homme qui sème des légumes, ou qui plante des arbres, que de tous vos camarades, qui regardent le bout de leur nez, ou qui portent un bât par excès de noblesse d’âme. » Ayant parlé ainsi, Omri se radoucit, le caressa, le persuada, l’engagea enfin à laisser là ses clous et sa chaîne, et à venir chez lui mener une vie honnête. On le décrassa, on le frotta d’essences parfumées ; on l’habilla décemment ; il vécut quinze jours d’une manière fort sage, et avoua qu’il était cent fois plus heureux qu’auparavant. Mais il perdait son crédit dans le peuple ; les femmes ne venaient plus le consulter : il quitta Omri, et reprit ses clous pour avoir de la considération.

FIN DE L’HISTOIRE DE BABABEC ET LES FAKIRS.