Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome22.djvu/154

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec son système. M. Newton aima mieux abandonner alors son projet. Mais depuis que M. Picart[1] eut mesuré la terre exactement, en traçant cette méridienne qui fait tant d’honneur à la France, M. Newton reprit ses premières idées, et il trouva son compte avec le calcul de M. Picart[2].

  1. Ou mieux Picard, né en 1680, mort en 1692 ou 1684, successeur de Gassendi au Collège de France, et fondateur de l’Observatoire de Paris.
  2. Dans l’édition de 1734, on lit de plus ce qui suit :
    « C’est une chose qui me paraît toujours admirable, qu’on ait découvert de si sublimes vérités avec l’aide d’un quart de cercle et d’un peu d’arithmétique.
    « La circonférence de la terre est de cent vingt-trois millions deux cent quarante-neuf mille six cents pieds de Paris. De cela seul peut suivre tout le système de l’attraction.
    « On connaît la circonférence de la terre, on connaît celle de l’orbite de la lune, et le diamètre de cet orbite. La révolution de la lune dans cet orbite se fait en vingt-sept jours, sept heures, quarante-trois minutes ; donc il est démontré que la lune, dans son mouvement moyen, parcourt cent quatre-vingt-sept mille neuf cent soixante pieds de Paris par minute ; et, par un théorème connu, il est démontré que la force centrale qui ferait tomber un corps de la hauteur de la lune, ne le ferait tomber que de quinze pieds de Paris dans la première minute.
    « Maintenant, si la règle par laquelle les corps pèsent, gravitent, s’attirent en raison inverse des carrés des distances est vraie, si c’est le même pouvoir qui agit suivant cette règle dans toute la nature, il est évident que, la terre étant éloignée de la lune de soixante demi-diamètres, un corps grave doit tomber sur la terre de quinze pieds dans la première seconde, et cinquante-quatre mille pieds dans la première minute.
    « Or est-il qu’un corps grave tombe, en effet, de quinze pieds dans la première seconde, et parcourt dans la première minute cinquante-quatre mille pieds, lequel nombre est le carré de soixante multiplié par quinze ; donc les corps pèsent en raison inverse des carrés des distances ; donc le même pouvoir fait la pesanteur sur la terre et retient la lune dans son orbite.
    « Étant donc démontré que la lune pèse sur la terre, qui est le centre de son mouvement particulier, il est démontré que la terre et la lune pèsent sur le soleil, qui est le centre de leur mouvement annuel.
    « Les autres planètes doivent être soumises à cette loi générale, et, si cette loi existe, ces planètes doivent suivre les règles trouvées par Kepler. Toutes ces règles, tous ces rapports sont en effet gardés par les planètes avec la dernière exactitude ; donc le pouvoir de la gravitation fait peser toutes les planètes vers le soleil, de même que notre globe. Enfin, la réaction de tout corps étant proportionnelle à l’action, il demeure certain que la terre pèse à son tour sur la lune, et que le soleil pèse sur l’une et sur l’autre ; que chacun des satellites de Saturne pèse sur les quatre, et les quatre sur lui ; tous cinq sur Saturne, Saturne sur tous ; qu’il en est ainsi de Jupiter, et que tous ces globes sont attirés par le soleil, réciproquement attiré par eux.
    « Ce pouvoir de gravitation agit à proportion de la matière que renferment les corps ; c’est une vérité que M. Newton a démontrée par des expériences. Cette nouvelle découverte a servi à faire voir que le soleil, centre de toutes les planètes, les attire toutes en raison directe de leurs masses, combinées avec leur éloignement. De là, s’élevant par degrés jusqu’à des connaissances qui semblaient n’être pas faites pour l’esprit humain, il ose calculer combien de matière contient le soleil, et combien il s’en trouve dans chaque planète ; et ainsi il fait voir que,