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ET SUR SA PROPAGATION.

son Optique) qu’il ne faut que des yeux pour voir l’attraction et la répulsion de l’électricité, et qu’il faut les yeux de l’esprit pour voir l’attraction et la répulsion du feu et des corps.

Il reste à examiner la figure du feu et sa couleur.

La figure de ses parties constituantes doit être ronde ; c’est la seule qui s’accorde avec un mouvement égal en tout sens, et la seule qui puisse produire des angles d’incidence égaux aux angles de réflexion. Il est bien vrai que ces angles d’incidence et de réflexion ne sont pas produits sur la surface des corps solides ; mais ils sont produits près de ces surfaces par quelque cause que ce puisse être.

Or cette cause inconnue, et qui peut-être est de la matière électrique, ne peut renvoyer ainsi les rayons s’ils ne sont pas propres à former toujours ces angles, et il n’y a que la figure ronde qui puisse les former[1].

Pour la couleur qui résulte du feu, j’entends du feu pur et sans mélange, cette couleur dépend des rayons différents qui composent le feu : l’assemblage des sept rayons primordiaux réfléchis donne du blanc ; cependant la couleur de la lumière du soleil tire sur le jaune, et de là on pourrait croire que le soleil est un corps solide dans lequel les rayons jaunes dominent. Il n’est nullement impossible que le feu dans d’autres soleils ait d’autres couleurs, et la quantité des rayons rouges ou jaunes dominant dans ce feu élémentaire pourrait très-vraisemblablement opérer de nouvelles propriétés dans la matière.

Voilà donc à peu près un assemblage des propriétés principales qui peuvent servir à donner une faible idée de la nature du feu.

C’est un élément qui a tous les attributs généraux de la matière, et qui a par-dessus encore le pouvoir d’agir sur toute matière, d’être toujours en mouvement, de se répandre en tout sens, d’être élastique, de contribuer à l’élasticité des corps, à leur électricité ; d’être attiré et d’être repoussé par les corps ; enfin c’est le seul qui puisse nous éclairer et nous échauffer. Et cette propriété

  1. Ces idées sur la forme des éléments des corps sont un reste de cartésianisme dont M. de Voltaire n’avait pu se débarrasser totalement, quoiqu’il en fût alors plus dégagé que la plupart des savants de l’Europe.
    La seule manière plausible d’expliquer les phénomènes de la réflexion des surfaces opaques est de les considérer comme formées de corpuscules transparents, dans lesquels la réflexion se fait comme dans les sphères transparentes, comme dans les gouttes de l’arc-en-ciel. Mais il reste à expliquer ce dernier phénomène, qui semble dépendre de l’attraction, et dont on n’a point donné d’explication précise et calculée. (K.)