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ESSAI SUR LA NATURE DU FEU

trempée d’esprit-de-vin, et qu’on observe, à l’aide de l’ingénieuse invention du pyromètre, le degré d’expansion, de raréfaction, que ce métal aura acquis dans un temps donné : si le feu augmentait son action par le choc mutuel de ses parties, deux mèches pareilles devraient raréfier ce métal beaucoup plus du double ; mais il est prouvé, par les expériences les plus exactes, que deux mèches pareilles ne font pas seulement un effet double de celui d’une simple mèche.

Une simple mèche allumée, mise sous le milieu d’une lame de fer longue de 5 pouces 8/10, et épaisse de 3/10 allonge cette lame comme 80 ; deux mèches mises au milieu, l’une auprès de l’autre, ne l’allongent que comme 117 ; et les deux mêmes flammes, mises à 2 pouces 1/2 l’une de l’autre, ne l’allongent que comme 109.

On ne prétend pas répéter ici le détail de toutes ces expériences vérifiées ; on essayera seulement d’en tirer quelques conclusions.

Si le feu agissait dans ce cas par la force d’une action mutuelle de ses parties les unes contre les autres, la flamme de ces deux mèches devrait se joindre pour produire ces effets réunis ; et ces deux flammes devraient échauffer, raréfier cette lame beaucoup au delà de 160 ; mais ces deux flammes voisines, au lieu de se réunir, s’écartent ; chacune se dissipe de côté et d’autre.

On peut donc, encore une fois, conclure que les rayons du feu n’agissent point l’un sur l’autre pour augmenter leur puissance, soit qu’ils viennent du soleil en parallélisme, soit qu’ils soient réunis au foyer d’un verre ardent, soit qu’ils s’échappent en cercle d’un charbon allumé, etc.

Voici donc ce qui arrive dans un corps auquel on applique un feu étranger : plus ce corps résiste, plus la quantité de ce feu, multipliée par sa vitesse, agit sur lui ; et tant que l’action de ce feu et la réaction de ce corps subsistent, la chaleur augmente, jusqu’à ce qu’enfin de nouveau feu entrant toujours, les parties solides de ce corps, qui résistaient, par exemple, à 1,000 parties de feu, ne pouvant résister à 10,000, à 100,000, se désunissent et s’évaporent. Un madrier de bois de 100 pouces carrés pourra très-aisément être percé dans 100 demi-pouces d’étendue sans perdre sa figure ; mais s’il est percé dans 144,000, il est réduit en poussière.

Voici maintenant ce qui arrive à un corps dont on met en mouvement le feu propre qu’il contenait. Qu’un morceau de fer, par exemple, soit conçu partagé en mille lamines élastiques, que chaque lamine contienne dix parties de feu, que ce corps reçoive