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ET SUR SA PROPAGATION.

Le vulgaire, qui voit monter la flamme, pense que le feu se communique plus tôt en haut qu’en bas, sans songer que la flamme ne monte que parce que l’air, plus pesant qu’elle, presse sur le corps combustible.

Quelques philosophes, observant que le feu descend presque toujours quand on met des matières enflammées au milieu de pareilles matières sèches, ont décidé que le feu tend à descendre, sans considérer que le feu ne descend en ce cas plus qu’il ne monte, que parce que d’ordinaire la matière enflammée, un morceau de bois par exemple, qu’on mettra au milieu d’un bûcher, touche les bois de dessous en plus de points que les bois de dessus, et que de plus, le bûcher étant déjà allumé par le bas, la partie basse du bûcher est déjà plus échauffée que la partie haute.

On donne pour constant, dans un nouveau Traité de physique sur la pesanteur universelle (seconde partie, chapitre ii), que le feu tend toujours en bas. J’en ai fait l’épreuve en faisant rougir un fer que je posai ensuite entre deux fers entièrement semblables : au bout d’un demi-quart d’heure je retirai ces deux fers semblables, je mis deux thermomètres, construits sur les principes de M. de Réaumur, à quatre pouces de chaque fer, les liqueurs montèrent également en temps égaux ; ainsi il est démontré que le feu se communique également en tout sens, quand il ne trouve point d’obstacles.

Il ne faut pas sans doute inférer de là que deux corps égaux homogènes communiquent également de chaleur à deux corps égaux hétérogènes en temps égal.

Par exemple deux cubes de fer égaux, échauffés à pareil degré, étant posés l’un sur un cube de marbre, l’autre sur un cube de bois d’égale température, le fer posé sur le marbre perdra plus de chaleur, et communiquera cependant moins de sa chaleur à ce marbre que l’autre fer n’en communiquera à ce bois ; et cette différence vient évidemment de l’excès de pesanteur et de cohérence du marbre, et du tissu de ses parties qui composent un tout, lequel résiste plus au choc des parties de feu qu’un morceau de bois de pareil volume[1].

Mais, comme on l’a déjà dit (article ii, IIe partie), ces quatre corps, au bout d’un temps considérable, sont dans le même air

  1. Il y a là des effets composés de la conductibilité et de la capacité calorifique. Voltaire manquait des éléments nécessaires à l’appréciation de ces phénomènes. (D.)