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VIE DE M. J.-B. ROUSSEAU.

Son ode est très-belle ; on la connaît, elle commence par ces vers :

Vérité, qui jamais ne changes,
Et dont les traits toujours chéris,
Seuls, aux plus pompeuses louanges
Donnent leur véritable prix.

Il nous reste deux strophes de l’ode de Rousseau ; il n’osa point en faire imprimer davantage. En voici une :

France, à ces images illustres,
Reconnais ce roi glorieux,
Éprouvé durant tant de lustres
Par des succès victorieux.
Rappelle ces temps qu’on admire,
Ces temps qui de ton ferme empire
Font encor l’immortel appui,
Où par lui la Fortune altière
Triomphait de l’Europe entière,
Sans pouvoir triompher de lui.

Les autres strophes de l’ode étaient bien différentes ; je me souviens de les avoir entendu dire à feu de Brie. Mais quoique Rousseau fut fort au-dessous de Lamotte dans cette ode, aussi bien que dans ses opéras, il était fort supérieur dans ses autres odes, et il passera toujours pour un meilleur poëte.

Rousseau était depuis quelque temps de l’Académie des inscriptions et belles-lettres. C’était une espèce de noviciat pour obtenir une place à l’Académie française. Il était entré dans celle des inscriptions par le crédit de M. l’abbé Bignon, protecteur déclaré des lettres ; mais il eut le malheur d’encourir presque en même temps la disgrâce de M. l’abbé Bignon et celle de M. le duc de Noailles. Il lit des vers contre eux, précisément dans le temps qu’ils allaient lui rendre les meilleurs offices. Je ne sais si M. le duc de Noailles et M. l’abbé Bignon furent informés de ces vers ; mais je sais bien que M. de Longepierre montra à M. le duc de Noailles une lettre pleine d’ingratitude et de railleries, que Rousseau avait écrite à M. d’Ussé, contre monsieur le duc, son bienfaiteur.

M. d’Ussé était un homme de beaucoup de mérite, aimant tous les arts. Il avait fait la tragédie de Pélopée, qu’il n’a jamais donnée au théâtre, quoiqu’elle soit estimée des connaisseurs ; et il avait donné celle de Cosroès, corrigée d’après Rotrou, laquelle