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VIE DE M. J.-B. ROUSSEAU.

De ses langueurs efféminées
Il recevra bientôt le prix ;
Et déjà ses mains basanées,
Aux palmes de Mars destinées,
Cueillent les myrtes de Cypris.

Mais qu’il connaît peu quel orage
Suivra ce calme séducteur !
Qu’il va regretter le rivage !
Que je plains le triste naufrage
Que lui prépare son bonheur :

Quand les vents, maintenant paisibles,
Enfleront la mer en courroux ;
Quand pour lui les dieux inflexibles
Changeront en des nuits horribles
Des jours qu’il a trouvés si doux !

Insensé, qui sur des promesses
Croit fonder son fragile appui !
Sans songer que mêmes tendresses,
Mêmes serments, mêmes caresses,
Trompèrent un autre avant lui.

L’Amour a marqué son supplice ;
Je vois cet amant irrité,
Des dieux accusant l’injustice,
Détester son lâche caprice,
Et pleurer sa fidélité,

Tandis qu’au mépris de ses larmes.
Oubliant qu’il se put venger.
Tu mets tes attraits sous les armes,
Pour profiter des nouveaux charmes
De quelque autre amour passager.


Beaucoup de pièces fugitives qu’il imprima n’étaient pas de cette force ; mais le bon l’emportait infiniment sur le mauvais. Ce qu’on blâma le plus dans cette édition, ce fut la préface dans laquelle il attaqua indignement M. Dufresny, mon camarade[1]

  1. Dufresny était valet de chambre du roi, contrôleur de ses jardins. Voltaire n’a jamais eu ces titres. Ce ne fut qu’en 1745 qu’il eut le titre de gentilhomme ordinaire du roi. Si, en 1738, il appelle Dufresny son camarade chez le roi, c’est encore pour donner le change sur le véritable auteur de la Vie de J.-B. Rousseau. (B.)