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LE PRÉSERVATIF.

Troisièmement, il est indubitable que M. Dacier a raison pour le fond, et qu’il a très-bien traduit ce vers d’Horace :

Difficile est proprie communia dicere…

« Il est très-difficile de bien traiter des sujets d’invention… » Car si vous mettez sous les yeux du lecteur la phrase entière d’Horace, vous verrez que la fin explique le commencement.

Difficile est proprie communia dicere, tuque
Rectius Hiacum carmen deducis in actus,
Quam si proferres ignota, indictaque primus.

« Il est difficile de bien traiter un sujet d’invention, et vous composerez plus aisément une tragédie tirée de l’Iliade que de votre propre tête. »

Voilà qui fait un sens clair, et qui prouve que commune veut dire en cet endroit intactum, un sujet neuf.

Ainsi l’abbé Desfontaines n’a pas entendu Horace, n’a pas lu l’écrit de M. Dacier qu’il critique, et a tort dans tous les points.

VI.

Nombre 201, etc. Il dit que Cicéron est moins serré que Sénèque, et que Sénèque est plus verbeux. Peu importe, à la vérité, au public qu’on ait tort ou raison sur cette bagatelle ; mais les jeunes gens qui étudient seraient trompés s’ils croyaient que Sénèque exprime sa pensée en plus de mots que Cicéron : car c’est ce que signifie verbeux. Il n’y a personne qui ne sache que le défaut de Sénèque est d’être, au contraire, trop concis dans ses expressions.

VII.

Même nombre, « Si les Anglais, dit-il, continuent[1] d’encenser encore leur vide, et d’attribuer de merveilleuses propriétés au néant, etc. »

Qui a jamais dit que M. Newton ait encensé le vide ? Cette expression est très-mauvaise en tout sens. Il est faux que M. Newton ait attribué de merveilleuses propriétés au vide ; il a démontré que les corps, et non le vide, agissent à des distances immenses

  1. Le texte des Observations porte : « Si les Anglais, secondés de M. de V., continuent. »