Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome22.djvu/404

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écrites[1], j’ai pris la liberté d’écrire moi-même à M. de Voltaire sans le connaître : voici ce qu’il m’a répondu :

[2]« Je ne connais l’abbé Guyot-Desfontaines que parce que M. Thiriot l’amena chez moi en 1724, comme un homme qui avait été ci-devant jésuite, et qui, par conséquent, était un homme d’étude ; je le reçus avec amitié, comme je reçois tous ceux qui cultivent les lettres. Je fus étonné au bout de quinze jours de recevoir une lettre de lui, datée de Bicêtre, où il venait d’être renfermé. J’appris qu’il avait été mis trois mois auparavant au Châtelet pour le même crime dont il était accusé, et qu’on lui faisait son procès dans les formes. J’étais alors assez heureux pour avoir quelques amis très-puissants que la mort m’a enlevés. Je courus à Fontainebleau, tout malade que j’étais, me jeter à leurs pieds ; je pressai, je sollicitai de toutes parts ; enfin j’obtins son élargissement, et la discontinuation du procès où il s’agissait de sa vie : je lui fis avoir la permission d’aller à la campagne chez M. le président de Bernières, mon ami. Il y alla avec M. Thiriot. Savez-vous ce qu’il y fit ? un libelle contre moi. Il le montra même à M. Thiriot, qui l’obligea de le jeter dans le feu ; il me demanda pardon, en me disant que le libelle était fait un peu avant la date de Bicêtre. J’eus la faiblesse de lui pardonner, et cette faiblesse m’a valu en lui un ennemi mortel, qui m’a écrit des lettres anonymes, et qui a envoyé vingt libelles en Hollande contre moi. Voilà, monsieur, une partie des choses que je peux vous dire sur son compte, etc. »

Je ne crois pas qu’une pareille lettre ait besoin de commentaire, aussi je n’en ferai point.

XXVIII.

On m’apporte le nombre 58. Le satirique auteur essaye d’avilir la Mèrope du marquis Maffei. Cette tragédie a sans doute des défauts, mais ce n’est pas ceux que le satirique lui reproche. Il traduit gentile aspetto, aspect aimable, par jolie figure ; genitori innocenti, les auteurs vertueux de mes jours, par mes parents gens de bien ; ben complesso, taille avantageuse, par bonne complexion. Ainsi, dans une traduction que ce critique fit en français[3] d’un

  1. Voyez, dans la Correspondance, le fragment de lettre du 7 septembre 1735.
  2. Cette lettre parait être celle que Voltaire dit avoir adressée à Maffei en 1736 ; voyez plus loin le Mémoire du sieur de Voltaire, et dans la Correspondance, la lettre à Thieriot, du 24 novembre 1738.
  3. L’Essai sur la poésie épique ; voyez, tome VIII, page 302, et dans la Correspondance, la lettre du 20 septembre 1736.