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DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE II.

parle dans un recueil en trois volumes, tiré des observations de toutes les académies de l’Europe, imprimé en 1730, page 35, volume I :

« Quelques-uns ont prétendu que d’un corps lumineux comme le soleil il se fait un écoulement continuel d’une infinité de petites parties insensibles, qui portent la lumière jusqu’à nos yeux ; mais cette opinion, qui se ressent encore un peu de la vieille philosophie, n’est pas soutenable. »

Cette opinion est pourtant démontrée de plus d’une façon, et loin de ressentir la vieille philosophie, elle y est directement contraire : car quoi de plus contraire à des mots vides de sens que tant de mesures, de calculs et d’expériences ?

Il s’est élevé d’autres contradicteurs qui ont attaqué cette vérité de l’émanation et de la progression de la lumière avec les mêmes armes dont des hommes plus respectés qu’éclairés osèrent autrefois attaquer si impérieusement et si vainement le sentiment de Galilée sur le mouvement de la terre.

Ceux qui combattent la raison par l’autorité emploient l’Écriture sainte, qui doit nous apprendre à bien vivre, pour en tirer des leçons de leur philosophie ; ils ont fait réellement de Moïse un physicien. Si c’est simplicité, il faut les plaindre. S’ils croient avec cet artifice rendre odieux ceux qui ne sont pas de leur sentiment, il faut les plaindre davantage ; ils devraient se souvenir que ceux qui ont condamné Galilée sur un pareil prétexte ont couvert leur patrie d’une honte que le nom de Galilée seul peut effacer. Il faut croire, disent-ils, que la lumière du jour ne vient pas du soleil, parce que, selon la Genèse, Dieu créa la lumière avant le soleil.

Mais ces messieurs ne songent pas que, suivant la Genèse, Dieu sépara aussi la lumière des ténèbres, et appela la lumière jour, et ténèbres la nuit, et composa un jour du soir et du matin, etc., et tout cela avant que de créer le soleil.

Il faudrait donc, au compte de ces physiciens, que le soleil ne fît pas le jour, et que l’absence du soleil ne fît pas la nuit.

Ils ajoutent encore que Dieu sépara les eaux des eaux, et ils entendent par cette séparation la mer et les nuages. Mais, selon eux, il faudrait donc que les vapeurs qui forment les nuages ne fussent pas, comme elles le sont, élevées par le soleil. Car, selon la Genèse, le soleil ne fut créé qu’après cette séparation des eaux inférieures et supérieures ; or ils avouent en cet endroit que c’est le soleil qui élève ces eaux supérieures. Les voilà donc en contradiction avec eux-mêmes. Nieront-ils le mouvement de la terre,