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DE LA VUE.

de diamant liquide, taillé en lentille, et enchâssé dans une membrane déliée et diaphane elle-même. Ce diamant est le cristallin ; c’est lui qui rompt tous les rayons obliques : c’est un principal organe de la réfraction et de la vue, parfaitement semblable en cela à un verre lenticulaire de lunette. Soit ce cristallin ou ce verre lenticulaire (figure 7).

Le rayon perpendiculaire A le pénètre sans se détourner ; mais les rayons obliques B C se détournent dans l’épaisseur du verre en s’approchant des perpendiculaires qu’on tirerait sur les endroits où ils tombent ; ensuite, quand ils sortent du verre pour passer dans l’air, ils se brisent encore en s’éloignant du perpendicule : ce nouveau brisement est précisément ce qui les fait converger en D, foyer du verre lenticulaire.

Or la rétine, cette membrane légère, cette expansion du nerf optique, qui tapisse le fond de notre œil, est le foyer du cristallin ; c’est à cette rétine que les rayons aboutissent ; mais avant que d’y parvenir, ils rencontrent encore un nouveau milieu qu’ils traversent : ce nouveau milieu est l’humeur vitrée, moins solide que le cristallin, moins fluide que l’humeur aqueuse.

C’est dans cette humeur vitrée que les rayons ont le temps de s’assembler, avant que de venir faire leur dernière réunion sur les points du fond de notre œil. Figurez-vous donc, sous cette lentille du cristallin, cette humeur vitrée sur laquelle le cristallin s’appuie ; cette humeur tient le cristallin dans sa concavité, et est arrondie vers la rétine.

Les rayons, en s’échappant de cette dernière humeur, achèvent donc de converger. Chaque faisceau de rayon parti d’un point de l’objet vient frapper un point de notre rétine.

Une figure, où chaque partie de l’œil se voit sous son propre nom, expliquera mieux tout cet artifice que ne pourraient faire des lignes, des A et des B (figure 8).

Plusieurs philosophes de l’antiquité avaient cru[1] que, bien loin que les traits de lumière, réfléchis sur les objets, vinssent en dessiner l’image au fond de nos yeux, il partait au contraire de nos yeux mêmes des traits de lumière qui allaient chercher les objets, et en rapportaient je ne sais quelles espèces intentionnelles. Cette idée était digne du reste de la physique des Grecs ; je ne dis pas des Romains, car les Romains n’en eurent presque jamais.

  1. C’était l’opinion des pythagoriciens. Empédocle approche de la vérité en considérant la lumière comme émanant des corps, et l’œil comme un miroir. S’il eût connu la chambre noire, il eût peut-être trouvé la véritable théorie de l’œil. (D.)