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DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE XII.

gibilité, et opérait ces écartements qui font les différents angles, Descartes s’abandonna à son esprit d’invention pour expliquer les couleurs de l’arc-en-ciel[1]. Il y employa le tournoiement imaginaire de ces globules, et cette tendance au tournoiement : preuve de génie, mais preuve d’erreur. C’est ainsi que, pour expliquer la systole et la diastole du cœur, il imagina un mouvement et une conformation, dans ce viscère, dont tous les anatomistes ont reconnu la fausseté. Descartes aurait été le plus grand philosophe de la terre s’il eût moins inventé.


CHAPITRE XII.
Nouvelles découvertes sur la cause des couleurs, qui confirment la doctrine précédente. Démonstration que les couleurs sont occasionnées par l’épaisseur des parties qui composent les corps, sans que la lumière soit réfléchie de ces parties. — Connaissance plus approfondie de la formation des couleurs. Grandes vérités tirées d’une expérience commune. Expériences de Newton. Les couleurs dépendent de l’épaisseur des parties des corps, sans que ces parties réfléchissent elles-mêmes la lumière. Tous les corps sont transparents. Preuve que les couleurs dépendent des épaisseurs, sans que les parties solides renvoient en effet la lumière.


Par tout ce qui a été dit jusqu’à présent, il résulte donc que toutes les couleurs nous viennent du mélange des sept couleurs primordiales que l’arc-en-ciel et le prisme nous font voir distinctement[2].

Les corps les plus propres à réfléchir des rayons rouges, et dont les parties absorbent ou laissent passer les autres rayons, seront rouges, et ainsi du reste. Cela ne veut pas dire que les parties de ces corps réfléchissent en effet les rayons rouges ; mais qu’il y a un pouvoir, une force jusqu’ici inconnue, qui réfléchit ces rayons d’auprès des surfaces et du sein des pores des corps.

Les couleurs sont donc dans les rayons du soleil, et rejaillissent à nous d’auprès des surfaces, et des pores, et du vide. Cherchons à présent en quoi consiste le pouvoir apparent des corps de nous réfléchir ces couleurs, ce qui fait que l’écarlate paraît rouge, que les prés sont verts, qu’un ciel pur est bleu :

  1. Ce chapitre est une très-remarquable exposition de la théorie de l’arc-en-ciel, telle que Descartes l’a donnée. Voltaire eût pu insister sur la part qui revient à Newton par suite de la découverte de l’inégale réfrangibilité des divers rayons. (D.)
  2. Voyez page 485.