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DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE XIII.

s’y arrête en aucune manière ; il s’est contenté des faits, sans rien oser déterminer sur les causes.

Nous ne pousserons pas plus loin cette introduction sur la lumière, peut-être en avons-nous trop dit dans de simples éléments ; mais la plupart de ces vérités sont nouvelles pour bien des lecteurs. Avant que de passer à l’autre partie de la philosophie, souvenons-nous que la théorie de la lumière a quelque chose de commun avec la théorie de l’univers dans laquelle nous allons entrer. Cette théorie est qu’il y a une espèce d’attraction marquée entre les corps et la lumière, comme nous en allons observer une entre tous les globes de notre univers : ces attractions se manifestent par différents effets ; mais c’est toujours une tendance des corps les uns vers les autres, découverte à l’aide de l’expérience et de la géométrie.

Parmi tant de propriétés de la matière, telles que ces accès de transmission et de réflexion des traits de lumière[1], cette répulsion que la lumière éprouve dans le vide, dans les pores des corps et sur les surfaces des corps ; parmi ces propriétés, dis-je, il faut surtout faire attention à ce pouvoir par lequel les rayons sont réfléchis et rompus, à cette force par laquelle les corps agissent sur la lumière, et la lumière sur eux, sans même les toucher. Ces découvertes doivent au moins servir à nous rendre extrêmement circonspects dans nos décisions sur la nature et l’essence des choses. Songeons que nous ne connaissons rien du tout que par l’expérience. Sans le toucher, nous n’aurions point d’idée de l’étendue des corps ; sans les yeux, nous n’aurions pu deviner la lumière ; si nous n’avions jamais éprouvé de mouvement, nous n’aurions jamais cru la matière mobile ; un très-petit

    encore les rejeter, parce qu’ils ne seraient que possibles : ainsi nous ne ferons aucun fondement réel sur les conjectures de Newton même.

    « Si j’en parle, c’est plutôt pour faire connaître l’histoire de ses pensées que pour tirer la moindre induction de ses idées, que je regarde comme les rêves d’un grand homme : il ne s’y arrête en aucune manière, il s’est contenté des faits, sans rien oser déterminer sur les causes. Passons à l’autre découverte sur le rapport qui existe entre les rayons de la lumière et les tons de la musique. »

    Dès l’édition de 1741, presque tout ce passage était supprimé. L’auteur n’en avait conservé que les quatre dernières lignes, à partir des mots : Il ne s’y arrête, etc. (B.)

  1. Voltaire ne fait que citer le nom de cette théorie célèbre. Newton admet que les molécules lumineuses en lesquelles il fait consister la matière lumineuse ont des bouts de formes différentes, et qu’elles acquièrent un mouvement de rotation sur elles-mêmes, outre le mouvement de translation ; suivant l’extrémité qui se présente, il y a facile réflexion ou facile transmission. Cette théorie si ingénieuse est tombée avec le système. (D.)