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DE M.  PASCAL.

prochain, etc. Mais Dieu a établi les choses autrement : n’accusons point l’instinct qu’il nous donne, et faisons-en l’usage qu’il commande.


XII. Le sens caché des prophéties ne pouvait induire en erreur, et il n’y avait qu’un peuple aussi charnel que celui-là qui pût s’y méprendre : car quand les biens sont promis en abondance, qui les empêchait d’entendre les véritables biens, sinon leur cupidité qui déterminait ce sens aux biens de la terre ?


En bonne foi, le peuple le plus spirituel de la terre l’aurait-il entendu autrement ? Ils étaient esclaves des Romains ; ils attendaient un libérateur qui les rendrait victorieux, et qui ferait respecter Jérusalem dans tout le monde. Comment, avec les lumières de leur raison, pouvaient-ils voir ce vainqueur, ce monarque, dans un de leurs concitoyens né dans l’obscurité, dans la pauvreté, et condamné au supplice des esclaves ? Comment pouvaient-ils entendre, par le nom de leur capitale, une Jérusalem céleste, eux à qui le Décalogue n’avait pas seulement parlé de l’immortalité de l’âme ? Comment un peuple si attaché à la loi pouvait-il, sans une lumière supérieure, reconnaître dans les prophéties, qui n’étaient pas sa loi, un Dieu caché sous la figure d’un Juif circoncis, qui par sa religion nouvelle a détruit et rendu abominables la circoncision et le sabbat, fondements sacrés de la loi judaïque ! Adorons Dieu sans vouloir percer ces mystères[1].


XIII. Le temps du premier avènement de Jésus-Christ est prédit ; le temps du second ne l’est point, parce que le premier devait être caché, au lieu que le second doit être éclatant, et tellement manifeste que ses ennemis mêmes le reconnaîtront.


Le temps du second avènement de Jésus-Christ a été prédit encore plus clairement que le premier. Pascal avait apparemment oublié que Jésus-Christ, dans le chapitre XXI de saint Luc, dit expressément : « Lorsque vous verrez une armée environner Jérusalem, sachez que la désolation est proche. Jérusalem sera foulée aux pieds, et il y aura des signes dans le soleil, et dans la lune, et dans les étoiles ; les flots de la mer feront un très-grand bruit ; les vertus des cieux seront ébranlées, et alors ils verront le fils de l’homme qui viendra sur une nuée avec une grande puissance et

  1. C’est, croyons-nous, la première fois (1728) que Voltaire écrit cette phrase, qu’il répéta si souvent depuis. (G. A.)