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THÉORIE DU MONDE.

Mais qu’ils aient l’un et l’autre un mouvement de projectile en raison de leurs masses, la planète en B C, le soleil en A D : alors la planète obéit à deux mouvements : elle suit la ligne B C, et gravite en même temps vers le soleil suivant la ligne B A ; elle parcourra donc la ligne courbe B F ; le soleil même suivra la ligne A E ; et, gravitant l’un vers l’autre, ils tourneront autour d’un centre commun. Mais le soleil surpassant un million de fois la terre en grosseur, et la courbe A E, qu’il décrit, étant un million de fois plus petite que celle que décrit la terre, ce centre commun est nécessairement presque au milieu du soleil.

Il est démontré encore par là que la terre et les planètes tournent autour de cet astre ; et cette démonstration est d’autant plus belle et plus puissante qu’elle est indépendante de toute observation, et fondée sur la mécanique primordiale du monde.

Si l’on fait le diamètre du soleil égal à cent diamètres de la terre, et si par conséquent il surpasse un million de fois la terre en grosseur, il est 464 fois plus gros que toutes les planètes ensemble, en ne comptant ni les satellites de Jupiter ni l’anneau de Saturne. Il gravite vers les planètes, et les fait graviter toutes vers lui ; c’est cette gravitation qui les fait circuler en les retirant de la tangente, et l’attraction que le soleil exerce sur elles surpasse celle qu’elles exercent sur lui, autant qu’il les surpasse en quantité de matière. Ne perdez jamais de vue que cette attraction réciproque n’est autre chose que la loi des mobiles gravitant tous, et tournant tous vers un centre commun.

Le soleil tourne donc sur ce centre commun, c’est-à-dire sur lui-même, en 25 jours et demi ; son point de milieu est toujours un peu éloigné de ce centre commun de gravité, et le corps du soleil s’en éloigne à proportion que plusieurs planètes en conjonction l’attirent vers elles ; mais, quand toutes les planètes se trouveraient d’un côté et le soleil d’un autre, le centre commun de gravité du monde planétaire sortirait à peine du soleil, et leurs forces réunies pourraient à peine déranger et remuer le soleil d’un diamètre entier.

Il change donc réellement de place à tout moment, à mesure qu’il est plus ou moins attiré par les planètes ; et ce petit approchement du soleil rétablit le dérangement que les planètes opèrent les unes sur les autres ; ainsi le dérangement continuel de cet astre entretient l’ordre de la nature.

Quoiqu’il surpasse un million de fois la terre en grosseur, il n’a pas un million plus de matière, comme on l’a déjà dit.

S’il était en effet un million de fois plus solide, plus plein que