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TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE X.

Quelle est donc la cause de cette période de vingt-cinq mille neuf cents années, si longue et en même temps si inutile en apparence ?

Dans toutes les machines composées que nous voyons, il y a toujours quelque effet qui, par lui-même, ne produit pas l’utilité qu’on retire de la machine, mais qui est une suite nécessaire de sa composition : par exemple, dans un moulin à eau il se perd une grande partie de l’eau qui tombe sur les aubes ; cette eau, que le mouvement de la roue éparpille de tous côtés, ne sert en rien à la machine ; mais c’est un effet indispensable du mouvement de la roue.

Le bruit que fait un marteau n’a rien de commun avec les corps que le marteau façonne sur l’enclume ; mais il est impossible que l’ébranlement de l’enclume n’accompagne pas cette action. La vapeur qui s’exhale d’une liqueur que nous faisons bouillir en sort nécessairement sans contribuer en rien à l’usage que nous faisons de cette liqueur ; et celui qui juge que tous ces effets sont nécessaires, quoiqu’ils ne soient souvent d’aucune utilité sensible, en juge bien.

S’il nous est permis de comparer un moment les œuvres de Dieu à nos faibles ouvrages, on peut dire que, dans cette machine immense, il a arrangé les choses de façon que plusieurs effets s’ensuivent indispensablement sans être pourtant d’aucune utilité pour nous. Cette période de vingt-cinq mille neuf cent vingt années paraît tout à fait dans ce cas : elle est un effet nécessaire de l’attraction du soleil et de la lune.

Pour se faire une idée nette de ce mouvement périodique de 25,920 ans, concevons d’abord la terre (figure 60) portée annuellement sur son grand axe A B, parallèle à lui-même autour du soleil étoile polaire.

Cet axe, porté d’occident en orient, semble toujours dirigé vers cette étoile polaire ; la terre, dans la moitié de sa course annuelle, c’est-à-dire, si l’on veut, du printemps à l’automne, a fait environ quatre-vingt-quinze millions de lieues ; mais cet espace n’est rien par rapport à l’extrême éloignement de cette étoile qu’elle regarderait toujours également, si cet axe de la terre était toujours dans le même sens A B que vous le voyez.

Mais cet axe ne persiste pas dans cette position, et au bout d’un très-grand nombre d’années, cet axe conçu sur cette ligne de l’écliptique n’est plus dans la situation A B ; il ne regarde plus son mouvement de parallélisme, il n’est plus dirigé vers cette étoile polaire. Cette différente direction n’est presque rien par