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TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XIII.

Il y a entre Jupiter et Saturne une attraction sensible qui n’est point marquée entre les autres planètes principales : quand, par exemple, Vénus, la terre et Mars s’approchent, sont en conjonction, leur gravitation ne dérange que très-peu leur mouvement dans leurs orbes, parce que leurs orbes sont assez proches du soleil ; et la masse de cet astre surpasse tellement la masse réunie de ces planètes que leurs forces centripètes ne sont pas capables d’opérer une résistance bien sensible contre la force centripète résultante de la masse du soleil qui les attire.

Il n’en est pas de même de Jupiter et de Saturne. Ces deux globes, énormes par rapport au nôtre, sont à une distance immense du centre qui les attire.

Jupiter est moins attiré que nous vingt-cinq fois, et Saturne est moins attiré que nous près de cent fois, à raison du carré des distances ; quand ces deux astres sont en conjonction, ils sont bien plus près l’un de l’autre que Jupiter ne l’est du soleil : ainsi ils gravitent davantage l’un vers l’autre, et ils s’éloignent sensiblement de leur orbite ordinaire. Leur cours est dérangé ; c’est ici le plus beau triomphe de l’attraction : ces deux globes, qui se trouvent si rarement en conjonction, s’y trouvèrent du temps de Newton ; il calcula, par les lois de l’attraction, de combien leur cours devait être altéré. L’illustre Halley observa ces astres, et ses observations démontrèrent ce que Newton avait deviné, comme les mesures prises au pôle ont confirmé depuis ce que Newton avait dit de la figure de la terre.

Ainsi donc ce qui se passe sur la terre et ce qui se passe à cent cinquante, à près de trois cents millions de lieues de la terre, prouve également cette admirable propriété de la matière que Newton a découverte.


CHAPITRE XIII.
Des comètes ; du pouvoir de l’attraction sur elles. — Anciennes idées sur les comètes, rectifiées par Tycho-Brahé. Vérité et erreur dans Descartes. Les comètes doivent nécessairement décrire une section conique autour du soleil. Chemin des comètes. Pourquoi une comète, en passant près du soleil, ne tombe point sur cet astre. Les comètes sont des corps opaques. Elles sont des planètes. Difficulté de connaître leur retour. Ce que c’est que la queue des comètes. Méprise de Descartes sur la queue des comètes. Newton a mesuré la ligne que doit décrire la queue d’une comète en plusieurs années. Usage probable des comètes.


Puisque l’attraction agit ainsi sur tous les corps célestes, on voit aisément que sa puissance doit s’étendre sur les comètes