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TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XIII.

tibles les plus grands génies, quand l’esprit de système et d’hypothèse les conduit !

Les comètes ne vont point en ligne droite, et n’y sauraient aller : car, puisqu’elles traversent les orbes des planètes, elles sont dans la sphère d’activité de la gravitation du soleil, ainsi que les planètes. Il faut donc de deux choses l’une, ou que le soleil les attire à son centre par une ligne perpendiculaire, ou qu’elles décrivent autour du soleil quelque section conique. Or Newton, aidé du célèbre astronome Halley, le Cassini d’Angleterre, ayant suivi dans son cours cette comète de 1680, qui fit tant de bruit, inventa une nouvelle théorie par laquelle il détermina la figure de l’orbite que devait décrire cette comète. Cassini le père avait déjà fixé la route que devait décrire la comète de 1664 ; il avait osé le premier prédire le cours d’une comète : l’astronomie n’avait encore produit rien de si hardi. Newton embrassa une théorie générale ; il prouve que toute comète doit paraître décrire une parabole autour du soleil, et assigne l’espèce de parabole qu’elle doit paraître décrire dans tous les cas.

Ensuite, par cette même théorie, il détermine comment cette parabole apparente se change en effet en une ellipse ; et il fait voir que la comète de 1680 achève son cours dans une ellipse si approchante de la parabole, et si excentrique au soleil, qu’elle doit faire son chemin en 500 et tant d’années : ce qui prouve l’extrême longueur de son orbite, puisque Saturne, si éloigné du soleil, achève pourtant son cours en trente années.

Voici le chemin de la comète A (figure 72), dans une ellipse autour du soleil ; cette comète suivrait son cours en G, et ne reviendrait plus si elle suivait une parabole.

Mais, puisqu’elle est dans la sphère d’activité du soleil, elle doit l’avoir pour centre de son mouvement ; ainsi, à mesure qu’elle décrit la parabole A G, elle est ramenée par la gravitation vers le soleil, dans cette autre courbe A E D : ceux qui demandent pourquoi les planètes, étant dans leur périhélie, ne tombent point dans le soleil, peuvent, à plus forte raison, s’étonner qu’une comète qui passe si près de cet astre ne soit point engloutie par la force de l’attraction, qui augmente selon le carré de rapprochement, c’est-à-dire que la comète étant cent fois plus près, est dix mille fois plus attirée vers le centre du soleil.

La comète de 1680, par exemple, descendit si près du soleil qu’elle n’en était éloignée que de la sixième partie de cet astre.

Qu’on se souvienne ici de la grande règle de Galilée : un corps qui tombe acquiert toujours de nouveaux degrés de vitesse ; or,