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DE M. PASCAL.

Par quelle contradiction trop palpable dites-vous donc que ce péché originel est manifeste ? Pourquoi dites-vous que tout nous en avertit ? Comment peut-il en même temps être folie, et être démontré par la raison ?

 XXXI. (XXIX[1].) Les sages, parmi les païens qui ont dit qu’il n’y a qu’un Dieu, ont été persécutés, les Juifs haïs, les chrétiens encore plus.

Ils ont été quelquefois persécutés, de même que le serait aujourd’hui un homme qui viendrait enseigner l’adoration d’un Dieu, indépendante du culte reçu. Socrate n’a pas été condamné pour avoir dit il n’y a qu’un Dieu, mais pour s’être élevé contre le culte extérieur du pays, et pour s’être fait des ennemis puissants fort mal à propos. À l’égard des Juifs, ils étaient haïs, non parce qu’ils ne croyaient qu’un Dieu, mais parce qu’ils haïssaient ridiculement les autres nations ; parce que c’étaient des barbares qui massacraient sans pitié leurs ennemis vaincus ; parce que ce vil peuple, superstitieux, ignorant, privé des arts, privé du commerce, méprisait les peuples les plus policés. Quant aux chrétiens, ils étaient haïs des païens parce qu’ils tendaient à abattre la religion de l’empire, dont ils vinrent enfin à bout, comme les protestants se sont rendus les maîtres dans les mêmes pays où ils furent longtemps haïs, persécutés, et massacrés.

 XXXII. (XXXI.) Combien les lunettes nous ont-elles découvert d’astres qui n’étaient point pour nos philosophes d’auparavant ! On attaquait hardiment l’Écriture sur ce qu’on y trouve en tant d’endroits, du grand nombre des étoiles : il n’y en a que mille vingt-deux, disait-on, nous le savons[2].

    grands. Il est plein de mots sales et déshonnêtes. Cela ne vaut rien. Ses sentiments sur l’homicide volontaire et sur la mort sont horribles. »

    Remarque de Voltaire. « Montaigne parle en philosophe, non en chrétien ; il dit le pour et le contre de l’homicide volontaire. Philosophiquement parlant, quel mal fait à la société un homme qui la quitte quand il ne peut plus la servir ? Un vieillard a la pierre et souffre des douleurs insupportables ; on lui dit : Si vous ne vous faites tailler, vous allez mourir ; si l’on vous taille, vous pourrez encore radoter, baver et traîner pendant un an, à charge à vous-même et aux vôtres. Je suppose que le bonhomme prenne alors le parti de n’être plus à charge à personne ; voilà à peu près le cas que Montaigne expose. »

  1. Le second nombre, qui est entre parenthèses, indique l’ordre des Remarques dans l’édition de 1734.
  2. Le mot astres n’est pas dans le texte de Pascal. Voici ce qu’il a écrit : « Combien les lunettes nous ont-elles découvert d’êtres qui n’étaient point pour nos philosophes d’auparavant ! On entreprenait méchamment l’Écriture sainte sur le grand nombre des étoiles, en disant : Il n’y en a que mille vingt-deux, nous le savons. »