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PANÉGYRIQUE DE LOUIS XV.

brigands étrangers[1], à qui l’espoir seul du pillage met les armes à la main, on a vu, depuis le jour de Fontenoy, les nations armées disputer de générosité.

Il est pardonnable à un vainqueur de vouloir tirer avantage de sa victoire, d’attendre au, moins que le vaincu demande la paix, et de la lui faire acheter chèrement : c’est la maxime de la politique ordinaire. Quel parti prendra le vainqueur de Fontenoy ? Dès le jour même de la bataille, il ordonne à son secrétaire d’État d’écrire en Hollande qu’il ne demande que la pacification de l’Europe ; il propose un congrès ; il proteste qu’il ne veut pas rendre sa condition meilleure : il suffit que celle des peuples le soit par lui. Le croira-t-on dans la postérité ? C’est le vainqueur qui demande la paix, et c’est le vaincu qui la refuse. Louis XV ne se rebute pas ; il faut au moins feindre de l’écouter. On envoie quelques plénipotentiaires, mais ce n’est que par une formalité vaine ; on se défie de ses offres : les ennemis lui supposent de vastes projets, parce qu’ils osaient en avoir encore. Toutes les villes cependant tombent devant lui, devant les princes de son sang, devant tous les généraux qui les assiégent. Des places qui avaient autrefois résisté trois années ne tiennent que peu de jours. On triomphe à Mesle, à Raucoux, à Laufelt ; on trouve partout les Anglais, qui se dévouent pour leurs alliés avec plus de courage que de politique, et partout la valeur française l’emporte : ce n’est qu’un enchaînement de victoires. Nous avons vu un temps où ces feux, ces illuminations, ces monuments passagers de la gloire, devenus un spectacle commun, n’attiraient plus l’empressement de la multitude, rassasiée de succès.

Quelle est la situation enfin où nous étions au commencement de cette dernière campagne, après une guerre si longue et qui avait été deux ans si malheureuse ?

Ce général étranger[2], naturalisé par tant de victoires, aussi habile que Turenne, et encore plus heureux, avait fait de la Flandre entière une de nos provinces.

Du côté de l’Italie, où les obstacles sont beaucoup plus grands, où la nature oppose tant de barrières, où les batailles sont si rarement décisives, et cependant les ressources si difficiles, on se soutenait du moins, après une vicissitude continuelle de succès et de pertes. On était encore animé par la gloire de la

  1. Les Pandours.
  2. Le maréchal de Saxe.