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DES
EMBELLISSEMENTS

DE PARIS[1]

(1749)

Un seul citoyen[2], qui n’était pas fort riche, mais qui avait une grande âme, fit à ses dépens la place des Victoires, et érigea par reconnaissance une statue à son roi. Il fit plus que sept cent mille citoyens n’ont encore fait dans ce siècle. Nous possédons dans Paris de quoi acheter des royaumes ; nous voyons tous les jours ce qui manque à notre ville, et nous nous contentons de murmurer. On passe devant le Louvre, et on gémit de voir cette façade, monument de la grandeur de Louis XIV, du zèle de Colbert, et du génie de Perrault, cachée par des bâtiments de Goths et de Vandales. Nous courons aux spectacles, et nous sommes indignés d’y entrer d’une manière si incommode et si dégoûtante, d’y être placés si mal à notre aise, de voir des salles si grossièrement construites, des théâtres si mal entendus, et d’en sortir avec plus d’embarras et de peine qu’on n’y est entré. Nous rougissons, avec raison, de voir les marchés publics établis dans des rues étroites, étaler la malpropreté, répandre l’infection, et causer des désordres continuels. Nous n’avons que deux fontaines[3] dans

  1. Cet écrit, postérieur à la paix de 1748 (18 octobre), a été imprimé dans le volume intitulé Recueil de pièces en vers et en prose, par l’auteur de la tragédie de Sémiramis, 1750, in-12. C’est vers le même temps que doit avoir été composé le dialogue Des Embellissements de Cachemire, qu’on trouvera ci-après. Une partie des vœux de Voltaire est accomplie depuis la Révolution. (B.)
  2. Le maréchal de La Feuillade ; voyez, tome XIV, le chapitre XXVIII du Siècle de Louis XIV.
  3. La fontaine des Innocents, et celle de la rue de Grenelle ; voyez la note 2, tome XXI, page 4.