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DES EMBELLISSEMENTS DE PARIS.

Quand Londres fut consumée par les flammes[1], l’Europe disait : Londres ne sera rebâtie de vingt ans, et encore verra-t-on son désastre dans les réparations de ses ruines. Elle fut rebâtie en deux ans, et le fut avec magnificence. Quoi ! ne sera-ce jamais qu’à la dernière extrémité que nous ferons quelque chose de grand ? Si la moitié de Paris était brûlée, nous la rebâtirions superbe et commode ; et nous ne voulons pas lui donner aujourd’hui, à mille fois moins de frais, les commodités et la magnificence dont elle a besoin. Cependant une pareille entreprise ferait la gloire de la nation, un honneur immortel au corps de la ville de Paris, encouragerait tous les arts, attirerait les étrangers des bouts de l’Europe, enrichirait l’État, bien loin de l’appauvrir, accoutumerait au travail mille indigents fainéants qui ne fondent actuellement leur misérable vie que sur le métier infâme et punissable de mendiants, et qui contribuent encore à déshonorer notre ville ; il en résulterait le bien de tout le monde, et plus d’une sorte de bien. Voilà, sans contredit, l’effet de ces travaux qu’on propose, que tous les citoyens souhaitent, et que tous les citoyens négligent. Fasse le ciel qu’il se trouve quelque homme assez zélé pour embrasser de tels projets, d’une âme assez ferme pour les suivre, d’un esprit assez éclairé pour les rédiger, et qu’il soit assez accrédité pour les faire réussir ! Si dans notre ville immense il ne se trouve personne qui s’en charge ; si on se contente d’en parler à table, de faire d’inutiles souhaits, ou peut-être des plaisanteries impertinentes, il faut pleurer sur les ruines de Jérusalem.

FIN DES EMBELLISSEMENTS DE PARIS.
  1. En 1666.