Il jouit des plaisirs, et les perd sans douleurs.
Vois Daphné[1], dans nos champs, se couronner de fleurs :
Elle aime à se parer d’une rose nouvelle ;
Ne s’en trouve-t-il point[2], Daphné n’est pas moins belle.
D’un œil indifférent le tranquille bonheur[3]
Voit l’aveugle mortel esclave de l’erreur,
Courir au précipice en cherchant sa demeure ;
Ivre de passion[4] l’invoquer à toute heure ;
Voler incessamment de désirs en désirs,
Et passer tour à tour des douleurs aux plaisirs ;
Et tantôt il le voit, constamment misérable,
Gémir sous le fardeau de l’ennui qui l’accable.
Étude[5], en tous les temps prête-moi ton secours !
Ami de la vertu, bonheur de tous les jours.
Aliment de l’esprit, trop[6] heureuse habitude,
Venge-moi de l’Amour, brise ma servitude ;
Allume dans mon cœur un plus noble désir,
Et viens en mon printemps m’arracher au plaisir.
Je t’appelle, et déjà ton ardeur me dévore ;
Tels ces flambeaux éteints, et qui fument encore,
À l’approche du feu s’embrasent de nouveau.
Leur flamme se ranime, et son jour[7] est plus beau.
Conserve dans mon cœur le désir qui m’enflamme :
Sois mon soutien, ma joie, et l’âme de mon âme.
Étude, par toi l’homme est libre dans les fers[8] :
Par toi l’homme est heureux au milieu des revers :
Avec toi l’homme a tout[9] : le reste est inutile[9],
Et sans toi ce même homme[10] est un roseau fragile[11],
- ↑ Eh bien ! autre apostrophe sans liaison ! Ah ! (Note de Voltaire.)
- ↑ Ne s’en trouve-t-il point. Le style de l’épître, tout familier qu’il est, n’admet point ces tours trop communs : on dit sans s’avilir les plus petites choses. (Id.)
- ↑ Le bonheur est là personnifié ab abrupto, sans aucun adoucissement. Ce sont des images incohérentes. (Id.)
- ↑ Ivre de passion, l’invoquer ; il semble qu’on invoque sa passion. Et puis chercher sa demeure, courir au précipice, invoquer ! lieux communs mal assortis. Ces deux pages précédentes devraient être resserrées en vingt vers bien frappés, et ensuite on viendrait à l’Étude qui est le but de l’épître. (Id.)
- ↑ Étude. Toujours même défaut, toujours une apostrophe qui n’est point amenée. (Id.)
- ↑ Trop heureuse, terme oiseux. Ce trop est de trop. (Id.)
- ↑ On ne dit point tout cru le jour d’un flambeau. (Id.)
- ↑ Les vers n’y viennent, pas. Non erat his locus. (Id.)
- ↑ a et b S’il a tout, l’hémistiche qui suit est inutile. (Id.)
- ↑ Ce même homme, faible et traînant. (Id.)
- ↑ Roseau fragile, image peu liée avec avoir tout. (Id.)