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DE SAINT LOUIS.

rières ; quel symbole de la vraie grandeur emprunterais-je dans les livres saints, pour peindre le héros dont nous célébrons ici la mémoire ?

Tous ces traits répandus en foule dans les Écritures lui appartiennent. Toutes les vertus que Dieu avait partagées entre tant de monarques qu’il éprouvait, saint Louis les a possédées. Si je le comparais à David et à Salomon, je trouverais en lui la valeur et la soumission du premier, la sagesse du second ; mais il n’a pas connu leurs égarements. Captif enchaîné comme Manassès et Sédécias, il élève à leur exemple, vers son Dieu, des mains chargées de fer, mais des mains qui ont toujours été pures ; il n’a pas attendu, comme eux, l’adversité pour se tourner vers le Dieu des miséricordes ; il n’avait pas besoin, comme eux, d’être infortuné. Ce Dieu, qui, dans l’ancienne loi, voulut apprendre aux hommes comment les rois doivent réparer leurs fautes, a voulu donner, dans la loi nouvelle, un roi qui n’eût rien à réparer ; et, ayant montré à la terre des vertus qui tombent et qui se relèvent, qui se souillent et qui s’épurent, il a mis dans saint Louis la vertu incorruptible et inébranlable, afin que tous les exemples fussent proposés aux hommes.

Si donc ce modèle des rois n’eut aucun modèle parmi les monarques qui précédèrent le Messie, si toutes les fois que l’Écriture parle des vertus royales elle parle de lui, ne nous bornons pas à un seul de ces passages sacrés, regardons-les tous comme les témoignages unanimes qui caractérisent le saint roi dont vous m’ordonnez aujourd’hui de faire ici l’éloge.

Il suffirait, messieurs, de raconter l’histoire de saint Louis pour trouver, dans les traits qui la composent, ce modèle donné de Dieu au monarque ; mais pour mettre dans ce discours quelque ordre qui soulage ma faiblesse, je peindrai le sage qui a enseigné l’art de gouverner les peuples, le héros qui les a conduits aux combats, le saint qui, ayant toujours Dieu dans son cœur, a rendu chrétien, a rendu divin tout ce qui dans les autres grands hommes n’est qu’héroïque.

Que l’Esprit saint soutienne seul ma faible voix ; qu’il l’anime, non pas de cette éloquence mondaine que condamneraient les maîtres de l’éloquence qui m’écoutent, puisqu’elle serait déplacée ; mais qu’il mette sur mes lèvres ces paroles que la religion inspire aux âmes qu’elle a pénétrées ! Ave, Maria.