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DIALOGUES EN VERS.

Le chef-d’œuvre du dialogue est encore une scène dans les Horaces (acte II, sc. iii) :

horace.
Albe vous a nommé ; je ne vous connais plus.
curiace.
Je vous connais encore ; et c’est ce qui me tue, etc.

Peu d’auteurs ont su imiter les éclairs vifs de ce dialogue pressant et entrecoupé. La tendre mollesse et l’élégance abondante de Racine n’ont guère de ces traits de repartie et de réplique en deux ou trois mots, qui ressemblent à des coups d’escrime, poussés et parés presque en même temps.

Je n’en trouve guère d’exemples que dans l’Œdipe nouveau[1] :

œdipe.
J’ai tué votre époux.
jocaste.
Mais vous êtes le mien.
œdipe.
Je le suis par le crime.
jocaste.
Il est involontaire.
œdipe.
N’importe, il est commis.
jocaste.
Ô comble de misère !
œdipe.
Ô trop funeste hymen ! ô feux jadis si doux !
jocaste.
Ils ne sont point éteints ; vous êtes mon époux.
œdipe.
Non, je ne le suis plus, etc.

Il y a cent autres beautés de dialogue dans le peu de bonnes pièces qu’a données Corneille ; et toutes celles de Racine, depuis Andromaque, en sont des exemples continuels.

Les autres auteurs n’ont point ainsi l’art de faire parler leurs acteurs. Ils ne s’entendent point, ils ne se répondent point pour la plupart. Ils manquent de cette logique secrète qui doit être l’âme de tous les entretiens, et même des plus passionnés.

  1. C’est l’Œdipe de Voltaire, acte IV, scène III ; voyez tome Ier du Théâtre, page 98.