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MÉMOIRE DU SIEUR DE VOLTAIRE.

citer lui-même sa vengeance au tribunal de la justice, s’adresse d’abord à celui du public, et impose quelque silence à sa douleur pour examiner ce qui concerne certaines accusations littéraires dans lesquelles il s’agit de noms illustres dont il doit venger l’honneur outragé.

PREMIÈRE PARTIE.

Il y a dix ans que le sieur de Voltaire amasse de tous côtés des mémoires pour écrire l’histoire du siècle de Louis XIV, de ce siècle fécond en tant de grands hommes, et qui doit servir d’exemple à la postérité. Ne se flattant pas de pouvoir mêler son nom au nombre des artistes qui ont fait l’honneur de ces temps trop courts, il veut au moins essayer de les consacrer dans un ouvrage qui n’aura de mérite que celui d’être vrai.

L’histoire militaire y trouve sa place aussi bien que celle des arts ; et c’est surtout dans la guerre que le sieur de Voltaire avait besoin d’instructions et de mémoires authentiques.

Parmi plusieurs lettres de M.  de Précontal, lieutenant général, il y en a une qui contient une relation exacte de la bataille de Spire. Cette relation est conforme à celle de deux officiers, qu’on a aussi entre les mains : tous sont témoins oculaires, et il faut avouer, à l’honneur du nom français et à celui du feu maréchal de Tallard, que jamais action ne fut conduite avec plus de sagesse, de célérité et de valeur. Il y a environ quatre ou cinq ans que l’abbé Desfontaines, dans ses feuilles périodiques, a avancé que le maréchal de Tallard gagna la bataille de Spire par une bévue et contre toutes les règles : il y avait déjà longtemps, dit-il, qu’il le savait. Le sieur de Voltaire dès lors fit donner copie à plusieurs personnes de la lettre de M.  de Précontal ; il se faisait un devoir de venger la mémoire d’un général français malheureux une fois, mais toujours estimable. On vient en dernier lieu d’imprimer cette lettre, c’est de quoi le sieur de Voltaire ne peut se plaindre ; mais il se plaint que l’éditeur, en opposant le témoignage de M.  de Précontal, témoin oculaire, et celui de M.  de Feuquières, qui n’était pas à cette bataille, se soit servi d’un mot qui peut offenser la mémoire de M.  de Feuquières. En vain le sieur Desfontaines veut en cela noircir le sieur de Voltaire, qui n’a, dans tout ce différend, d’autre part que d’avoir soutenu l’honneur de sa nation.