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REMERCIEMENT
SINCÈRE
À UN HOMME CHARITABLE[1]

À Marseille, le 10 mai 1750.

Vous avez rendu service au genre humain en vous déchaînant sagement contre les ouvrages faits pour le pervertir. Vous ne cessez d’écrire contre l’Esprit des lois, et même il paraît à votre style que vous êtes l’ennemi de toute sorte d’esprit. Vous avertissez que vous avez préservé le monde du venin répandu dans l’Essai sur l’Homme de Pope, livre que je ne cesse de relire pour me convaincre de plus en plus de la force de vos raisons et de l’importance de vos services. Vous ne vous amusez pas, monsieur, à examiner le fond de l’ouvrage sur les lois, à vérifier les citations, à discuter s’il y a de la justesse, de la profondeur, de la clarté, de la sagesse ; si les chapitres naissent les uns des autres, s’ils forment un tout ensemble ; si enfin ce livre, qui devrait être utile, ne serait pas par malheur un livre agréable. Vous allez d’abord au fait ; et, regardant M. de Montesquieu comme le disciple de Pope, vous les regardez tous deux comme les disciples de Spinosa. Vous leur reprochez, avec un zèle merveilleux, d’être athées, parce que vous découvrez, dites-vous, dans toute leur philosophie les principes de la religion naturelle. Rien n’est assurément, monsieur, ni plus charitable, ni plus

  1. Cet ouvrage est une défense de Montesquieu contre l’auteur des Nouvelles ecclésiastiques. M. de Voltaire a eu constamment la générosité et le courage de défendre contre les fanatiques ceux même des philosophes ou des hommes de lettres qui s’étaient déclarés ses ennemis. (K.) — Le Remerciement sincère, qui fut imprimé par les soins de Dumolard, est une réponse à l’article des Nouvelles ecclésiastiques, du 24 avril 1750, sur la Défense de l’Esprit des lois (par Montesquieu lui-même). Il a déjà été parlé des Nouvelles ecclésiastiques, tome XXI, page 419.